Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
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4.2 LES PLANS: NOUVELLE TRANSFORMATION<br />
Les deux séries de plans détaillés du roman 29 , composées un chapitre à la fois en<br />
alternance avec <strong>le</strong> chapitre correspondant du manuscrit, n'apporteront rien de neuf en termes<br />
de contenus pessimistes; <strong>Zola</strong> se contente de faire des renvois à l'Ébauche ou à ses « notes<br />
spécia<strong>le</strong>s sur la peur 30 », comme il <strong>le</strong>s appel<strong>le</strong>; il en va de même pour <strong>le</strong> Plan général, en<br />
douze chapitres, placé en tête du Dossier préparatoire 31 . Pourtant, la version publiée de La<br />
Joie de vivre semb<strong>le</strong> démentir <strong>le</strong>s conclusions anti-pessimistes auxquel<strong>le</strong>s voulait aboutir<br />
l'Ébauche. <strong>Zola</strong> lui-même, a posteriori - <strong>et</strong> plutôt tardivement -, se trouva à avaliser l'idée<br />
assez répandue selon laquel<strong>le</strong> son roman était pessimiste: « Non, je n'ai aucun souvenir<br />
précis sur la façon dont j'ai trouvé <strong>le</strong> titre. Je sais seu<strong>le</strong>ment que je voulais d'abord un titre<br />
comme Le Mal de vivre, <strong>et</strong> que l'ironie de La Joie de vivre me fit préférer ce dernier 32 . » Dire<br />
de La Joie de vivre que c'est un titre ironique, c'est concéder que <strong>le</strong> roman n'est pas une<br />
attaque contre <strong>le</strong> <strong>pessimisme</strong>. Résumons: de l'Ancien Plan à l'Ébauche, <strong>le</strong> proj<strong>et</strong> avait subi<br />
une première modification importante, <strong>le</strong> thème du <strong>pessimisme</strong> s'étant ajouté à celui de<br />
dou<strong>le</strong>ur; une seconde mutation d'importance, alimentée par la compilation des fiches de<br />
documentation (<strong>le</strong>s sections Personnages <strong>et</strong> La Peur. Schopenhauer. Sur la vie), intervient au<br />
cours de la rédaction, <strong>et</strong> fait de J'œuvre non plus une affirmation de la vie, à thèse anti<br />
pessimiste, mais bien une interrogation sur la vie <strong>et</strong> sur la mort, à tonalité <strong>schopenhauerien</strong>ne.<br />
Autrement dit, en prenant pour acquis que, comme J'avançait Schopenhauer, <strong>le</strong> besoin<br />
29 <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>, Plans, B.N.F, Ms, NAF 10.311, f" 4-141. Pour une analyse approfondie de cel<strong>le</strong> élape<br />
du Dossier préparaloire, nous renvoyons au li vre de Nils-Olof Franzén, chapitres TI, V <strong>et</strong> Vl, op. cil.,<br />
p. 47-65 <strong>et</strong> 88-112.<br />
30 Idem, Plans, B.N.F, Ms, NAF 10.311, t" 60. TI s'agit, bien entendu, de la documentation réunie sous<br />
<strong>le</strong> titre La peur. Schopenhauer. Sur la vie.<br />
31 Idem, Plan, B.N.F, Ms, NAF 10.311. f" 2-3.<br />
32 <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong> à Jacques Van Santen Kolff, <strong>le</strong>llre du 6 mars 1889, Correspondance, op. cil., l. Vl,<br />
p. 377. Henri Mitterand, citant cel<strong>le</strong> <strong>le</strong>ltre, indique qu'el<strong>le</strong> lui paraît contredire <strong>le</strong> texte des Éballches<br />
(auxquel<strong>le</strong>s il accorde préséance); el<strong>le</strong> en contredit <strong>le</strong>s conclusions du moins. Mil<strong>le</strong>rand commente:<br />
« Pauline représente la ligne de résistance eXlrême, derrière laquel<strong>le</strong> <strong>Zola</strong>, en 1883, défend sa<br />
confiance raisonnées en 1'homme. contre <strong>le</strong>s hantises qui lui onl soufflé, depuis la première 1igne de<br />
l'Ancien Plan, c<strong>et</strong>te accumulation de misères <strong>et</strong> de deuils. D'où l'ambigüité de ce litre.» Henri<br />
Mil<strong>le</strong>rand, « La Joie de vivre, Étude », dans Émi <strong>le</strong> <strong>Zola</strong>, Les ROllgon-Macqllar(, op. cil.. p. 1760-1761.<br />
D'ail<strong>le</strong>urs, René Ternois constate: « il y a beaucoup d'inexactiludes, inconscientes ou voulues, dans<br />
<strong>le</strong>s l<strong>et</strong>tres de <strong>Zola</strong> à Van Santen Kolff. On y apprend, non pas ce que <strong>Zola</strong> pensait ou avait pensé, mais<br />
ce quïl croyait avoir pensé. <strong>et</strong> <strong>le</strong> plus souvent ce quïl désirait que Van Silnten Kolff fil savoir à ses<br />
<strong>le</strong>cteurs al<strong>le</strong>mands ou hollandais. » « Les sources italiennes de UI Joie de l'ivre ». Cahiers nalltrafiS<strong>le</strong>S,<br />
vol. )3, no 34 (1967), p. 33-34.<br />
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