Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
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sec, ridé, riant d'un inoubliab<strong>le</strong> rire, mordant <strong>et</strong> déchirant <strong>le</strong>s idées <strong>et</strong> <strong>le</strong>s croyances d'une seu<strong>le</strong><br />
paro<strong>le</strong>, comme un chien d'un coup de dents déchire <strong>le</strong>s tissus avec <strong>le</strong>squels il joue.<br />
TI me répéta <strong>le</strong> mot de ce Français, s'en allant effaré, épouvanté <strong>et</strong> s'écriant:<br />
"J'ai cru passer une heure avec <strong>le</strong> diab<strong>le</strong>.,,17<br />
L'Al<strong>le</strong>mand d'« Auprès d'un mort» a longtemps fréquenté Schopenhauer, il l'a veillé à<br />
sa mort, il contera à son nouvel ami la frayeur qui <strong>le</strong> prit lors de c<strong>et</strong>te veil<strong>le</strong> lugubre. Voilà<br />
l'essentiel du synopsis de ce court conte dans <strong>le</strong>quel Maupassant diabolise volontiers la figure<br />
du philosophe, dont <strong>le</strong> rire cynique <strong>et</strong> amer hantera jusqu'à ses propres discip<strong>le</strong>s par delà-la<br />
mort. Maupassant adapte à peine la rencontre entre Chal<strong>le</strong>mel-Lacour <strong>et</strong> <strong>le</strong> maître; surtout, il<br />
appuie sur <strong>le</strong>s accents démoniaques de <strong>le</strong>ur anecdotique rencontre, cherchant sans doute à<br />
instaurer un climat de tension funeste ou de peur.<br />
Il n'est pas certain qu'<strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong> ait pris connaissance du conte de son ami <strong>et</strong> co-auteur<br />
des Soirées de Médan J8 dès sa parution à la fin janvier 1883. Si « Auprès d'un mort» fut<br />
publié alors que <strong>Zola</strong> allail reprendre <strong>le</strong>s plans de son roman sur la dou<strong>le</strong>ur, on n'en trouve<br />
aucune trace dans <strong>le</strong> Dossier préparatoire; rien dans <strong>le</strong>s ébauches successives, rien dans la<br />
documentation sur Je <strong>pessimisme</strong>, rien dans la série de plans détaillés. En revanche, la figure<br />
de Schopenhauer que présente la version publiée de La Joie de vivre porte n<strong>et</strong>tement la<br />
marque du portrait éloquent (<strong>et</strong> quasi-caricatural) donné par Maupassant dans « Auprès d'un<br />
mort ». Il est permis d'imaginer que la rédaction du roman allait déjà bon train lorsque <strong>Zola</strong><br />
découvrit <strong>le</strong> conte, qu'il lut peut-être distraitement, sans enquêter, sans y accorder <strong>le</strong><br />
traitement réservé norma<strong>le</strong>ment à un « document» naturaliste. Ou encore, on peut supposer<br />
que <strong>Zola</strong> prépara, rédigea <strong>et</strong> publia son roman sans connaître aucunement <strong>le</strong> conte de<br />
Maupassant, <strong>et</strong> qu'en bons « naturalistes» qu'ils étaient, <strong>le</strong>s deux écrivains eurenl <strong>le</strong> même<br />
réf<strong>le</strong>xe: chacun à <strong>le</strong>ur façon, ils auraient exploité la dimension diabolique de ce curieux<br />
philosophe que <strong>le</strong>ur présentait Jean Bourdeau. Nous en sommes réduit à de tel<strong>le</strong>s conjectures,<br />
mais y a-t-il nécessité d'attester historiquement un texte comme « source» d'un autre pour<br />
114<br />
17 Ibid. Notons que ce « mol », atlribué par Maupassant au politicien dont il est question, ne se trouve<br />
nul<strong>le</strong> pari dans <strong>le</strong> compte-rendu de Chal<strong>le</strong>mel-Lacour: c'est plutôt dans la préface de Bourdeau qu'il<br />
faut en chercher l'origine: « ceux qui visitaient ce vieillard à l'œil clair el p<strong>le</strong>in de malice en<br />
rapportaient l'impression d'une entrevue avec Belzébuth en personne». Op. Cil., p. 14.<br />
18 Le recueil intilulé Les Soirées de Médan parut seu<strong>le</strong>ment trois ans plus tôt. en 1880. Il rassemblait<br />
des contes par <strong>le</strong>s tenants contirmés de l'éco<strong>le</strong> naturaliste, <strong>Zola</strong> en tête, bien sûr, devant la seconde<br />
génération des naturalistes: Maupassant, Huysmans, Henry Céard. Léon Hennique el Paul A<strong>le</strong>xis.