15.07.2013 Views

Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM

Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM

Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

accroissement de la lisibilité de l'œuvre l61 », el<strong>le</strong> sert plus souvent qu'autrement, chez <strong>Zola</strong>,<br />

de repoussoir générique l62 . C<strong>et</strong>te dernière esquisse de l'Ébauche ne fait pas exception;<br />

contentons-nous de prendre à témoin la connotation négative de l'expression: se j<strong>et</strong>er dans <strong>le</strong><br />

Sc hopen hauer, comme on se j<strong>et</strong>te à la mer ...<br />

Dans son ouvrage Schopenhauer en France: un mythe naturaliste, René-Pierre Colin a<br />

montré à quel point, dans la version publiée du roman, notre « souffrant moral» faisait piètre<br />

figure de discip<strong>le</strong>: « Lazare, s'il n'est pas seu<strong>le</strong>ment un cabotin de la tristesse de vivre, est<br />

bien un névrosé qui baptise son obsession de <strong>pessimisme</strong> <strong>schopenhauerien</strong>, parce que c<strong>et</strong>te<br />

étiqu<strong>et</strong>te est alors appréciée l63 . »À nos yeux, ce devenir se trouve en germe dans l'expression<br />

du Dossier préparatoire que nous venons de re<strong>le</strong>ver, pu isque la formu<strong>le</strong> emp loyée par <strong>Zola</strong><br />

(dans <strong>le</strong> bouillonnement de ses idées) désigne vaguement la doctrine par « <strong>le</strong> Schopenhauer »,<br />

ce qui suggère fortement - quoique sans <strong>le</strong> dire expressément - <strong>le</strong> caractère approximatif des<br />

connaissances métaphysiques qu'aura Lazare. C'est dire que la figure, à ce stade-ci, porte en<br />

el<strong>le</strong> <strong>le</strong> potentiel d'adepte faussement <strong>schopenhauerien</strong>; plus encore, on y découvre, déjà<br />

n<strong>et</strong>tement décrit, <strong>le</strong> rapport qui sera instauré entre <strong>le</strong> « souffrant moral» <strong>et</strong> la pensée de<br />

Schopenhauer: cel<strong>le</strong>-ci sera une sorte de bouée de sauv<strong>et</strong>age, à laquel<strong>le</strong> s'accrochera <strong>le</strong> jeune<br />

homme éperdu. Comme <strong>le</strong> défendaient <strong>le</strong>s partisans de la doctrine J64 , <strong>le</strong>s idées du philosophe<br />

sont censées conso<strong>le</strong>r celui qui ne croit plus en Dieu - d'où c<strong>et</strong>te injonction: « Pas de foi. »<br />

El<strong>le</strong>s auraient donc dû apaiser <strong>et</strong> calmer <strong>le</strong> «souffrant moral ». Or, c'est là la tâche de<br />

Pauline, car c'est à el<strong>le</strong>, l'Ébauche <strong>et</strong> l'Ancien Plan sont catégoriques sur ce point, que<br />

revient <strong>le</strong> « beau rô<strong>le</strong>» de tranquilliser Lazare par sa bonté, par sa gai<strong>et</strong>é, par sa dévotion, <strong>et</strong>c.<br />

161 Ibid., p. 47.<br />

162 Voir ibid., p. 51.<br />

163 René-Pierre Colin, Schopenhauer en France, op. Cil., p. 172.<br />

164 Bourg<strong>et</strong>, expliquant la montée en popularilé du <strong>pessimisme</strong>, constate: «Si l'homme n'a plus <strong>le</strong><br />

même besoin in<strong>le</strong>l<strong>le</strong>ctuel de croire, il a conservé <strong>le</strong> besoin de se sentir comme aux temps où il<br />

croyai!. » D'où, selon lui, <strong>le</strong> « Ilot de sp<strong>le</strong>en» du poète. « Char<strong>le</strong>s Baudelaire », loc. Cil., p. 404 <strong>et</strong> 405.<br />

René-Pierre Col in commente l'attitude des écri vains de l'éco<strong>le</strong> naturaliste envers Schopenhauer: « Les<br />

médanistes s'étaient forgé chacun une image différente de celui qu'ils nommaient parfois<br />

respectueusement "<strong>le</strong> vieux" : pour Céard. c'était un positiviste dont <strong>le</strong> pragmatisme était capab<strong>le</strong> de<br />

corriger <strong>le</strong>s maux du monde: pour Huysmans, ce sceplique avail d'abord offert par la lucidité<br />

désespérée de ses vues une consolaliol1 aux âmes d'éli<strong>le</strong>: pour Maupassanl, ce destructeur de chimères<br />

avait dressé crûment <strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au de l'existence »: Schopenhauer en France, op. Cil., p.20S. (Nous<br />

soulignons.) Le <strong>le</strong>cteur désireux de connflÎtre d'autres déclarations vantant <strong>le</strong>s vertus consolan<strong>le</strong>s de la<br />

doctrine <strong>schopenhauerien</strong>ne <strong>le</strong>s trouvera chez nombre de Iillérateurs de l'époque, proches <strong>et</strong> moins<br />

proches de <strong>Zola</strong>: Rad, Mirbeau, A<strong>le</strong>xis, elc. Voir ibid., p. 203-206.<br />

88

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!