Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
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incertaine: voilà où est <strong>le</strong> champ qui reste ouvel1 à notre imagination <strong>et</strong> à nos illusions 139. »<br />
C'est dit: <strong>le</strong> troub<strong>le</strong>· moral provient de l'incapacité d'accepter une mort inévitab<strong>le</strong>. Voilà une<br />
autre manière de présenter la peur qui tracasse Lazare, il s'agit plus encore d'une nouvel<strong>le</strong><br />
façon de la décortiquer, de l'expliquer (explicare, au sens étymologique: déplier, déployer).<br />
De plus en plus, <strong>le</strong> motif gagne en épaisseur - ce qui en soi n'est pas inattendu, puisque la<br />
genèse du roman avance désormais à grands pas - mais il importe de remarquer que la<br />
souffrance psychologique s'étoffe de notions dont <strong>le</strong> degré d'abstraction progressivement<br />
s'accroît. Au fur <strong>et</strong> à mesure qu'el<strong>le</strong> progresse dans sa documentation sur la dou<strong>le</strong>ur mora<strong>le</strong>,<br />
l'Ébauche se trouve curieusement à explorer <strong>le</strong> domaine du <strong>pessimisme</strong>. El<strong>le</strong> entre, p<strong>et</strong>it à<br />
p<strong>et</strong>it, dans la métaphysique d'Arthur Schopenhauer.<br />
Que l'envers d'une peur inquiète soit la confiance tranquil<strong>le</strong> peut se révé<strong>le</strong>r intuitivement<br />
ou par déduction à la personne qui considère la question avec attention; mais d'avoir re<strong>le</strong>vé<br />
des schèmes n<strong>et</strong>tement <strong>schopenhauerien</strong>s parmi <strong>le</strong>s notes prises par <strong>Zola</strong> sur la souffrance<br />
mora<strong>le</strong> nous perm<strong>et</strong> de tirer une conclusion importante, car ces schèmes se r<strong>et</strong>rouvent<br />
intégra<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong> dernier vol<strong>et</strong> de l'Ébauche. Non seu<strong>le</strong>ment la documentation sur la<br />
dou<strong>le</strong>ur s'entame au moment où <strong>Zola</strong> parachève <strong>le</strong> scénario de La Joie de vivre, <strong>le</strong>s<br />
documents consultés eux-mêmes (par <strong>le</strong>urs renvois érudits, par <strong>le</strong>urs apartés savants, bref par<br />
<strong>le</strong>ur propre tendance à verser dans <strong>le</strong> <strong>pessimisme</strong>) aiguillonnent <strong>le</strong> romancier sur la voie de la<br />
métaphysique <strong>et</strong> des questions existentiel<strong>le</strong>s.<br />
Prenons Bouil<strong>le</strong>r à témoin; discourant sur <strong>le</strong>s diverses sortes de sensibilités qu'il envisage<br />
(il ne s'arrête guère qu'à des sensibilités d'ordre moral), il en rencontre une qui est « ressentie<br />
pour <strong>le</strong> compte des autres <strong>et</strong> non pour notre propre compte l40 », c'est la sympathie. Bouillier<br />
139 Op. cil., p. 70-71. Deux remarques d'importance: 1. <strong>Zola</strong> inscrit entre parenthèses la page où il a<br />
trouvé l'information nOlée, au cas où il aurait besoin d'y revenir ultérieurement; 2. qu'il substitue au<br />
mot heure <strong>le</strong> mot da<strong>le</strong>, témoigne de sa familiarité avec l'idée de Bouillier qui prêche d'accepter la<br />
finitude de sa propre existence - rappelons-nous l'épisode (envisagé pour La Joie de vivre mais<br />
désormais abandonné) de la date qu'on cache dans <strong>le</strong>s fondations d'une maison.<br />
140 ibid., p. 152. « C<strong>et</strong>te sensibilité », écrit <strong>le</strong> moraliste, c'est cel<strong>le</strong> « qui tend à réunir tous <strong>le</strong>s hommes<br />
entre eux par <strong>le</strong> lien si doux el si fort de la sympathie; c'est el<strong>le</strong> qui est la mère de la pilié, qui. de<br />
concert avec <strong>le</strong>s idées mora<strong>le</strong>s ou rel igieuses. ou même quelquefois à <strong>le</strong>ur défaut, excite toute seu<strong>le</strong> en<br />
nous la charité, <strong>le</strong> dévouement: c'est el<strong>le</strong> enfin qui est, dans tous <strong>le</strong>s cœurs, <strong>le</strong> puissant auxiliaire du<br />
grand précepte de s'aimer <strong>le</strong>s uns <strong>le</strong>s autres.» ibid., p. 152-153. Visib<strong>le</strong>ment intéressé par cel<strong>le</strong><br />
mora<strong>le</strong>. <strong>Zola</strong> écrivit, dans ses noies de travail, pour y revenir plus lard, au besoin: «La sympathie<br />
(152) ». La pel/r. Schopenhauer. Sur la vie, B.N.F. Ms, NAF 10.311. Ii) 281.<br />
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