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Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM

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Voici un arrangement. Lazare demeure chez sa mère <strong>et</strong> n'est pas marié. Les Quenu <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />

Chanteau sont voisins. Lazare ravagé par son idée, déjà trente-cinq ans au moins. Et une passion<br />

de Pauline pour lui: il l'aime aussi [... J. El<strong>le</strong> a pressenti son secr<strong>et</strong>, qui <strong>le</strong> rend fantasque,<br />

inexplicab<strong>le</strong>, bon <strong>et</strong> méchant, poltron <strong>et</strong> courageux, <strong>et</strong>c. [...J el<strong>le</strong> veut <strong>le</strong> guérir, <strong>le</strong> faire croire à la<br />

vie. [...] El<strong>le</strong> a l'enfant [de Lazare] qu'el<strong>le</strong> considère, [...) <strong>le</strong> présente à Lazare: Voyez donc, c'est<br />

la vie, croyez-vous à la vie. Et lui p<strong>le</strong>ure aussi, est-ce de joie, est-ce d'avoir fait un malheureux de<br />

plus 88 .<br />

Visib<strong>le</strong>ment, l'auteur songe à engager la conclusion de son roman dans <strong>le</strong>s chemins<br />

accidentés de l'indécidabilité. Le « souffrant moral» aura-t-il appris la <strong>le</strong>çon de Pauline ou<br />

pas, à la fin? L'indéniab<strong>le</strong> potentiel romanesque d'une tel<strong>le</strong> mise en scène séduit sans doute<br />

un <strong>Zola</strong> qui n'a lui-même pas encore connu <strong>le</strong>s joies (ou <strong>le</strong>s affres) de la paternité <strong>et</strong> qui lui­<br />

même sent <strong>le</strong> vacil<strong>le</strong>ment de ses convictions d'espoir en l'humanité, si récentes, si fragi<strong>le</strong>s<br />

quand la crise ex istentiel<strong>le</strong> est si fraîche à la mémoire.<br />

L'Ébauche compi<strong>le</strong> alors en vrac <strong>le</strong>s divers éléments <strong>et</strong> épisodes ne se trouvant pas<br />

altérés par ce nouvel « arrangement» du scénario qui fait voisiner <strong>le</strong>s Chanteau <strong>et</strong> <strong>le</strong>s Quenu :<br />

« J'ai toujours la maison que Lazare bâtit, pour me donner la peur des dates 89 », note <strong>Zola</strong>;<br />

<strong>et</strong>c. L'épidémie demeure, mais a été repoussée à la toute fin du roman 90 ; el<strong>le</strong> en sera bientôt<br />

expulsée. Thème inuti<strong>le</strong>, car, comme l'énonce si éloquemment Jean Borie,« la mort est<br />

épidémique 91 . » Si la dimension secrète du mal qui mine l'existence du « souffrant moral»<br />

remonte, rappelons-nous, à l' esqu isse précédente (la première de février 1883), c'est une idée<br />

Brandist,« Le marrisme <strong>et</strong> l'héritage de la Volkerpsychologie dans la linguistique soviétique », trad. de<br />

Sébastien Mor<strong>et</strong> <strong>et</strong> Patrick Sériot Cahiers de l'I.L.S.L., no 20 (2005), p. 41.<br />

88 Idem, B.N.F, Ms, NAF 10.311, tO 207-208. Pot-Bouil<strong>le</strong> est <strong>le</strong> premier de trois romans des Rougon­<br />

Macquart à avoir narré en détail un accouchement (après celui de Ln Joie de vivre viendra celui dans<br />

Ln Terre). Les couches d'Adè<strong>le</strong>, l'une des bonnes de la maison, se font dans <strong>le</strong> secr<strong>et</strong> <strong>et</strong> en sol itaire: au<br />

bout du supplice, la pauvre femme se fait la même rét<strong>le</strong>xion pessimiste que <strong>Zola</strong> envisage ici de prêter<br />

à Lazare: «Encore une malheureuse' », constate Adè<strong>le</strong> voyant qu'el<strong>le</strong> a donné naissance à une fil<strong>le</strong><br />

dont <strong>le</strong> destin sera sans doute de devenir, comme el<strong>le</strong> <strong>et</strong> comme <strong>le</strong>s autres, « de la viande il cocher ou à<br />

val<strong>et</strong> de chambre ». <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>, Pot-Bouil<strong>le</strong>, dans Les Rougon-Macquart, op. cit., t.ill, p. 371. Selon<br />

Jurate Kaminskas, il faut attendre <strong>le</strong> dernier roman de la saga pour qu'une naissance se chmge de<br />

connotations positives: «Avec la naissance de l'enfant inconnu, fils de Clotilde <strong>et</strong> de Pascal, nous<br />

sortons du cyc<strong>le</strong> des Rougon-Macquart criblé de lares <strong>et</strong> de fatalités héréditaires. Une ère nouvel<strong>le</strong><br />

commence. Pour la première fois, naître n'est pas un malheur. » Jurate Kaminskas. « Fonction réaliste<br />

el fonction symbolique: sur <strong>le</strong>s scènes d'accouchement dans quelques romans d'<strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong> ». dans<br />

Anna Gural-Migdal (éd.), L'Écriture du féminin chez <strong>Zola</strong> <strong>et</strong> dons la fiC/ion naturaliste, Berne, P<strong>et</strong>er<br />

Lang, 2003, p. 106.<br />

89 Idem, B.N.F, Ms, NAF 10.31 l, 1° 209-210.<br />

90 idem, B.N.F. Ms. NAF 10.311. f" 218.<br />

91 Jean Borie. préface de UI Joie de FiFre, édition d'Henri Mil<strong>le</strong>rand, Palis, Gallimard, coll. « folio »,<br />

vol. 1654, 1985, p. 11.<br />

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