Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Jean Borie abonde en ce sens: «II ne fait pas de doute qu'en dépit de l'ambiva<strong>le</strong>nce,<br />
c'est à Pauline qu'est confiée la mission d'espoir <strong>et</strong> de survie victorieuse 285 . »<br />
Lazare sera effectivement ressuscité par deux fois. La première a lieu,<br />
paradoxa<strong>le</strong>ment, au moment où Pauline doit abandonner ses bonnes œuvres, ses remèdes<br />
el ses injonctions surtout, car el<strong>le</strong>-même tombe malade, touchée d'une angine. Lazare<br />
s'active soudain, s'improvise garde-malade à la place de sa bienfaitrice; « guéri» de sa<br />
'peur, il tâte de l'attitude de Pauline face à la vie; il s'oublie momentanément <strong>et</strong> oublie son<br />
mal. Durant l'épisode, la malade y va d'une injonction qui peut passer inaperçue:<br />
« Lazare, dit un jour Pauline, tu devrais sortir 286 . » La seconde fois se produit vers la fin<br />
178<br />
du livre, lorsqu'un feu se déclare dans un toit de chaume. Une paysanne accourt, éreintée<br />
el<strong>le</strong> annonce que son enfant est à J'intérieur. Lazare, héros inattendu, sauve l'enfant des<br />
flammes: «Jamais il ne s'était connu un pareil sang-froid, il agissait comme dans lin<br />
rêve, avec une prudence que <strong>le</strong> danger faisait naître 287 . » <strong>Zola</strong> nous Je montre capab<strong>le</strong> de<br />
dépasser son égoïsme, capab<strong>le</strong> d'être heureux, si l'on suit la démonstration du livre; mais<br />
il sombre dans ses vieil<strong>le</strong>s manies aussitôt. L'expérience n'a aucune prégnance sur lui.<br />
En somme, il ne suffit pas de lire à propos de ou d'entendre par<strong>le</strong>r de ou même<br />
d'affecter l'adoption di 88 la philosophie <strong>schopenhauerien</strong>ne pour atteindre aux hauteurs<br />
mora<strong>le</strong>s <strong>et</strong> au bonheur que prom<strong>et</strong> la doctrine. Il faut en plus souffrir atrocement, <strong>et</strong> sans<br />
cesse, <strong>et</strong> de toutes <strong>le</strong>s manières, <strong>et</strong> accepter sa dou<strong>le</strong>ur comme étant la condition sine qua<br />
nOI1 de la délivrance. Car: «Une immense souffrance brise la volonté el fait accepter la<br />
mort 289 », comme l' indique la docu mentation rassemblée par <strong>Zola</strong> sur Schopenhauer.<br />
6.6 PAULINE: DEGRÉ ULTIME DE LA SOUFFRANCE<br />
L'héroïne de La Joie de l'ivre, pour s'é<strong>le</strong>ver à c<strong>et</strong>te joie si élusive, sera soumise au<br />
spectre entier des dou<strong>le</strong>urs que <strong>le</strong> romancier j<strong>et</strong>te à ses personnages: la condamnation à la<br />
fois mora<strong>le</strong> <strong>et</strong> physique, mais sporadique, de l'écou<strong>le</strong>ment menstruel, dont <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> capital<br />
285 Jean Borie. Le Tyran limide. op. cil.. p.156.<br />
286 Idem. <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>. La Joie de vivre, dans Les Rougon-Macqllarl. op. cil.. l. Ill. p. 933.<br />
287 Ibid.. p. 1067.<br />
288 Voir René-Pierre Colin. Schopenhauer en France: Vn mYlhe nalllrafis<strong>le</strong>. Lyon. P. U. de Lyon.<br />
1979.p.72.<br />
289 Idem. La pellr. Schopenhal<strong>le</strong>r. SlIr fa vie. B.N.f. Ms. NAf 10.311. f' 263. Schopenhauer.<br />
traduit par Bourdeau, exprimait l'idée comme suit: « Comme un pâ<strong>le</strong> éclair. la négation de la<br />
volonté de vivre. c'est-il-dire la délivrnnce. jaillit subitement de la flamme purifiante de la<br />
dou<strong>le</strong>ur. » Op. cil.. p. 59.