Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
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C'est une matière inerte qu'il tente de ranimer 33 ». Bien sûr, <strong>Zola</strong> n'a pas lu toute l'œuvre<br />
du philosophe qui de toute façon, pour une large part, n'avait pas été encore traduite en<br />
français 34 ; certes, la matière <strong>schopenhauerien</strong>ne compilée par <strong>le</strong> romancier dans son<br />
Dossier préparatoire est incomplète, mais déclarer qu'el<strong>le</strong> est philosophiquement, voire<br />
littérairement inerte, c'est ne pas prêter suffisamment d'attention au travail de<br />
fictionnalisation en cours.<br />
Formulons maintenant l'hypothèse qui dirige l'ensemb<strong>le</strong> de nos activités:<br />
convoquant nombre de philosophèmes, <strong>et</strong> ce à divers niveaux tant paradigmatiques que<br />
syntagmatiques, tant microstructuraux que macrostructuraux, La Joie de vivre échappe à<br />
<strong>Zola</strong> bien malgré lui <strong>et</strong> offre un tout organiCJue, indémêlab<strong>le</strong>, non pas dichotomique mais<br />
plutôt tentaculaire, à la fois positiviste <strong>et</strong> pessimiste, où des réseaux d'opposition<br />
apparemment irrésoJub<strong>le</strong>s se trouvent désarticulés <strong>et</strong> réarticulés à maintes reprises, au fur<br />
<strong>et</strong> à mesure que progresse la trame narrative ... Un tout qui appartient au roman en propre.<br />
Quoi qu'en dise <strong>Zola</strong>, quoi qu'ait été sa véritab<strong>le</strong> intention (esthétique, philosophique<br />
ou didactique), quoi qu'il ait voulu critiquer ou défendre (<strong>pessimisme</strong>, positivisme), La<br />
Joie de vivre ne parvient pas à <strong>le</strong> faire unilatéra<strong>le</strong>ment. Quoique <strong>le</strong> roman en tant que<br />
genre soit souvent un lieu privi légié de la pensée, un large f<strong>le</strong>uve de phrases propices à<br />
susciter la réf<strong>le</strong>xion, parfois même un geyser d'idées duquel émergent <strong>le</strong>s plus fécondes<br />
méditations, il semb<strong>le</strong> ne pas être propice à la démonstration philosophique. D'où la<br />
difficulté d'y faire passer une thèse.<br />
Un roman de la crise<br />
Autre élément qui vient problématiser notre étude, J'interval<strong>le</strong> de trois ans entre <strong>le</strong><br />
moment où est étayée la première idée d'une œuvre <strong>et</strong> celui où s'entame la rédaction<br />
comporte certaines implications génétiques, que souligne Kajsa Andersson :<br />
.U Op. Cil., p. 173.<br />
.1J Parce qu'ils n'avaient lu que Bourdeau. Ribol ou Caro (principaux vulgarisateurs français de la<br />
doctrine), <strong>le</strong>s écrivains naturalistes. selon Wieslaw Ma<strong>le</strong>usz Malinowski. en général thématisèrent<br />
surtout la mora<strong>le</strong> <strong>schopenhauerien</strong>ne. beaucoup plus que la métaphysique du philosopht: : « Aussi<br />
toute l'originalité du système <strong>schopenhauerien</strong>. qui consiste à renverser <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs atlachées à la<br />
connaissance pour faire de l'immense force inconsciell<strong>le</strong> du vouloir-vivre Je principe du monde.<br />
sera-t-el<strong>le</strong> rarement assimilée par <strong>le</strong>s naturalistes dans sa version intégra<strong>le</strong>. » Wieslaw Mateusz<br />
Mal inowski, « Schopenhauer dans <strong>le</strong> roman: à propos de Sixline de Remy de Gourmont ». SII/dia<br />
Romanica Posnaniensa. no 29 (2003). p. 56.<br />
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