Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
nous reconnaissons J'opinion qu'avait <strong>Zola</strong> du <strong>pessimisme</strong> revendiqué par ses jeunes amis <strong>et</strong><br />
fréquentations littéraires, qu'il place dans <strong>le</strong> contexte de la fin du sièc<strong>le</strong> <strong>et</strong> qu'il compare au<br />
sp<strong>le</strong>en de la génération précédente. Le tout balise <strong>et</strong> stratifie c<strong>et</strong>te figure du « moi moderne»<br />
qui, selon Véronique Cnockaert, n'était sous c<strong>et</strong> ang<strong>le</strong> pas très neuve à l'époque:<br />
La perception qu'a <strong>Zola</strong> du jeune homme moderne n'a, ici, lien d'original après Frédéric Moreau:<br />
<strong>le</strong>s « avortements» incessants de Lazare semb<strong>le</strong>nt bien être <strong>le</strong> lot de la jeunesse du Second<br />
Empire. De ce point de vue - mais de ce point de vue seu<strong>le</strong>ment -, <strong>le</strong> personnage est déjà Ull lieu<br />
commun qui aura la vie longue J69 .<br />
En eff<strong>et</strong>, quelques mois plus tôt, <strong>Zola</strong> avait lui-même désapprouvé <strong>le</strong> cliché du jeune mâ<strong>le</strong><br />
pessimiste qu'Édouard Rod avait inséré dans La Chute de Miss Topsy. Il l'avait fait savoir à<br />
Rod dans une l<strong>et</strong>tre: «par une question de nature toute personnel<strong>le</strong>, je n'aime guère votre<br />
Frémy, discip<strong>le</strong> vague de Schopenhauer [... ]; mais quel triste mâ<strong>le</strong>, avec ses hésitations, son<br />
continuel examen de conscience pour savoir s'il veut ou ne veut pas l Toujours <strong>le</strong>s Werther<br />
r<strong>et</strong>ournés!J7o» Philippe Hamon résume: «Tout autant que des paysages "réels", <strong>le</strong><br />
personnage traverse des "paysages génériques", <strong>et</strong> une hérédité textuel<strong>le</strong> <strong>le</strong> régit tout autant<br />
que la fameuse hérédité physiologique I7 !. » Ce onzième état, conformément à l'habitude<br />
zolienne de réutiliser un maximum d'idées, réactive donc un potentiel narratif demeuré latent<br />
<strong>et</strong> <strong>le</strong> déploie. La filiation intertextuel<strong>le</strong> constitue ici un doub<strong>le</strong> opérateur de lisibilité, à la foi<br />
el<strong>le</strong> rapproche <strong>et</strong> distingue la figure d'un modè<strong>le</strong> connu: Lazare n'est pas un Werther comme<br />
humain par excel<strong>le</strong>nce, basé sur l'enquête universel<strong>le</strong>, déterminé par la majorité des faits, répondant en<br />
un mot aux besoins observés <strong>et</strong> analysés d'une nalion. Toute la science positive de notre sièc<strong>le</strong> est là.<br />
Au fond des querel<strong>le</strong>s littéraires, il ya toujours une question philosophique. C<strong>et</strong>te question peut rester<br />
confuse, on ne remonte pas jusqu'à el<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s écrivains mis en cause ne sauraient dire souvent quel<strong>le</strong>s<br />
sont <strong>le</strong>urs croyances; mais l'antagonisme entre <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s n'en provient pas moins des idées premières<br />
qu'el<strong>le</strong>s se font de la vérité. Ainsi, <strong>le</strong> romantisme est sûrement déiste. I... J Passez mélintenant au<br />
naturalisme, el vous vous sentirez aussitôt sur un terrain positiviste. C'est ici la littérature d'un sièc<strong>le</strong><br />
de science qui ne croil qu'aux faits. L'idéal est sinon supprimé, du moins mis à part. » Idem, dans<br />
ŒlIvres complè<strong>le</strong>s, op. Cil., l. X, p. 1395.<br />
169 Véronique Cnockaert, <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>. Les inachevés, op. Cil., p. 120.<br />
170 <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong> à Édouard Rod, l<strong>et</strong>tre du 24 novembre J 882, Correspondance, op. cil.. l. IV, p. 345.<br />
<strong>Zola</strong> réemploiera c<strong>et</strong>te même expression des « Werther r<strong>et</strong>ournés» dans la version publiée de La Joie<br />
de vivre, il la prêtera au Docteur Cazenove qui s'indigne de voir Lazare jalouser <strong>le</strong>s formes de vie<br />
moins développées, moins « intelligentes », donc moins suj<strong>et</strong>tes à la dou<strong>le</strong>ur de vivre. Nous aurons<br />
l'occasion d'y revenir dans notre chapitre VI. Idem, La Joie de l'ivre, dans Les ROllgon-Macqllart. op.<br />
Cil., l. Ill. 1964, p. 993<br />
171 Philippe Hamon. op. cil, p.55. «De fait, souligne Hamon. on est souvent frappé. à lire<br />
attentivement <strong>Zola</strong>, de voir <strong>le</strong> nombre de personnages "!itléraires" qui se mê<strong>le</strong>nt directement ou<br />
indirectement à l'action.» Ibid., p. 39.<br />
90