Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
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profonde <strong>et</strong> au découragement dont ils se sentaient accablés, <strong>et</strong> en r<strong>et</strong>our ils assureront à c<strong>et</strong>te<br />
œuvre une diffusion exceptionnel<strong>le</strong>, sans doute bien supérieure à cel<strong>le</strong> qu'el<strong>le</strong> connut dans sa<br />
paIrie d'origine 41 .<br />
La production en 1884 d'une œuvre alignée fidè<strong>le</strong>ment sur la philosophie d'Arthur<br />
Schopenhauer rapproche <strong>Zola</strong> des écrivains qui quelques années plus tard allaient être connus<br />
sous l'appellation de «symbolistes» ou «décadents »; mais <strong>le</strong> maître de Médan a-t-il pour<br />
autant donné un roman décadent avec La Joie de vivre? Aucunement. Ce que <strong>le</strong>s jeunes<br />
Décadents - d'ail<strong>le</strong>urs quelque peu raillés par <strong>Zola</strong> avec Lazare - allaient emprunter au<br />
philosophe pour <strong>le</strong>urs œuvres demeure essentiel<strong>le</strong>ment absent du roman du naturaliste:<br />
Outre <strong>le</strong>s qualités littéraires évidentes de l'œuvre, <strong>le</strong>s Décadents allaient trouver chez<br />
Schopenhauer bien des idées qui <strong>le</strong>ur tenaient à cœur: la condamnation de J'idée de Progrès, des<br />
analyses profondes de l'amour <strong>et</strong> une mise en évidence du rô<strong>le</strong> de j'inconscient, l'hostilité à<br />
l'égard de la femme considérée comme un simp<strong>le</strong> instrument de la nature, enfin une théorie du<br />
salul par la contemplation esthétique qui prolongeait la doctrine de J'Art pour l'Art, <strong>et</strong> était en<br />
parfai<strong>le</strong> conformité avec l'attitude de ceux que l'on appel<strong>le</strong>rait bientôt <strong>le</strong>s «esthètes », <strong>et</strong> qui<br />
allaient chercher à substituer l'art à la vie réel<strong>le</strong> 42 .<br />
Quoique <strong>le</strong> triomphe de Pauline soit p<strong>le</strong>inement celui d'un <strong>pessimisme</strong> <strong>schopenhauerien</strong> à<br />
peine remanié, il n'entre manifestement pas dans ce cadre. En fait, David Bagu<strong>le</strong>y soulève la<br />
question du « genre» de La Joie de vivre: selon lui, au début des années 1880, surtout avec<br />
<strong>le</strong>s onzième <strong>et</strong> douzième romans des Rmigon-Macquarl, <strong>Zola</strong> s'écarte « de la voie étroite du<br />
naturalisme ouverte par Flaubert 43 »; <strong>Zola</strong> bifurquerait, toujours selon Bagu<strong>le</strong>y, «dans<br />
la large voie du naturalisme ouverte par Balzac, en poussant toujours plus loin l'enquête<br />
ouverte sur l'homme <strong>et</strong> sur la nature 44<br />
».<br />
De son côté, Philippe Hamon remarque que <strong>le</strong>s fictions zoliennes (notamment avec Pot<br />
Bouil<strong>le</strong>, La Bête humaine <strong>et</strong> La Débâc<strong>le</strong>) tendent à «s'éloign[er] de la hiérarchie fixe "en<br />
pyramide" (un héros, des personnages secondaires, des personnages de troisième plan, <strong>et</strong>c.,<br />
selon une échel<strong>le</strong> non modulabJe) des récits classiques 45 . » Abstraction faite de la structure<br />
-lI Jean Pierrot, L'Imaginaire décadel1f (1880-1900), Paris, P. U. de France, 1977, p. 80.<br />
-l2 Ibid, p. 78.<br />
-l3 David Bagu<strong>le</strong>y, « Une vie <strong>et</strong> La Joie de vil're », dans Maupassant COl1fellr <strong>et</strong> romancier, C. Lloyd el<br />
R. Lelhbridge (éd.), Durham. Durham Uni versity Press, 1994. p. 65.<br />
1-l <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>. artic<strong>le</strong> du 4 mars 1879. cité par David Bagu<strong>le</strong>y, dans ibid. Bagu<strong>le</strong>y commente encore:<br />
«On n'a pas suftïsamment insisté sur la désaffection de <strong>Zola</strong> pour <strong>le</strong> naturalisme français à l'époque<br />
où. selon bien des manuels d'histoire littéraire, <strong>le</strong> mouvement battait son p<strong>le</strong>in. » Ibid.<br />
-l:i Le personnel du roman, Genève, Draz, coll.« Titre courant », 1998, p. 320.