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Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM

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a accepté <strong>et</strong> appliqué en partie <strong>le</strong>s vues de Schopenhauer. Dans la présentation de ces hommes<br />

à peine civilisés, l'auteur a concrétisé, en cou<strong>le</strong>urs vives, <strong>le</strong>s plus amères rénexions du<br />

philosophe sur la stupide volonté de vivre: «<strong>et</strong> ils veu<strong>le</strong>nt vivre ,,103<br />

Si nous envisageons <strong>le</strong> personnel romanesque de La Joie de vivre en termes de degré<br />

d'égoïsme, Lazare, manifestement, s'interca<strong>le</strong> dans une position moyenne: il a lu <strong>et</strong><br />

connaît <strong>le</strong>s principes <strong>schopenhauerien</strong>s qui lui recommandent de se détacher du vouloir­<br />

vivre, objectif dont il par<strong>le</strong> volontiers, qu'il tâche d'atteindre à l'occasion, en vain<br />

cependant, car en lui <strong>le</strong> vouloir-vivre tyrannique combat <strong>et</strong> vainc <strong>le</strong> savoir<br />

<strong>schopenhauerien</strong> qui lui prom<strong>et</strong> pourtant la délivrance ,04 . Sous c<strong>et</strong> ang<strong>le</strong>, la stratification<br />

de l'égoïsme au sein du roman apparaît modalisée par deux notions corollaires, cel<strong>le</strong>s du<br />

vouloir (<strong>le</strong>s appétits) <strong>et</strong> du savoir (la conscience) des personnages. La première est<br />

universel<strong>le</strong>, tirail<strong>le</strong> tout un chacun; la seconde par contre s'accroît plus l'être est<br />

«développé », voire « sophistiqué ». Les notes tirées des documents pessimistes réunis<br />

par <strong>Zola</strong> viennent confirmer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> prépondérant que jouent <strong>le</strong>s désirs <strong>et</strong> l'intel<strong>le</strong>ct du<br />

personnage dans son rapport à la dou<strong>le</strong>ur. Lisant <strong>le</strong>s maximes de Schopenhauer dans la<br />

traduction de Bourdeau, <strong>le</strong> romancier en réécrit deux sous forme abrégée. L'une est<br />

r<strong>et</strong>ranscrite presque mot pour mot: «Le désir <strong>et</strong> la souffrance marchent du même<br />

pas lOS . » L'autre, <strong>Zola</strong> la bonifie d'un commentaire à va<strong>le</strong>ur programmatique: «La<br />

capacité de souffrir croît avec l'intelligence: mon chien, mon Quenu l06 . » Notant sur la<br />

dou<strong>le</strong>ur une notion scientifiquement avérée qu'il entend exploiter, <strong>le</strong> romancier la décline<br />

immédiatement en deux incarnations exemplaires: deux degrés différents, subséquents <strong>et</strong><br />

progressifs de la sensibilité à la dou<strong>le</strong>ur. Le personnage du goutteux l07 , souffrant<br />

103 Nils-Olof Franzén. op. cil., p. J63. Soulignons que l'image des villageois de Bonnevil<strong>le</strong><br />

rappel<strong>le</strong> beaucoup cel<strong>le</strong> des Artaud dans La Fau<strong>le</strong> de l'abbé Mourel: voir Les Rougon-Macquarl.<br />

0t:. cil.. t. I, p. 1231-1232.<br />

1 Ceci élant dit, l'écart entre la théorie <strong>et</strong> la pratique d'une pensée systématique, grand <strong>le</strong>itmotiv<br />

de La Joie de vivre. reste tout hypothétique en ce qui concerne Lazare. Car ne perdons pas de vue<br />

que son intérêt pour la doctrine s'inscrit dans un contexte où cel<strong>le</strong>-ci est fort populaire auprès des<br />

gens de sa génération. au près de ses collègues du collège. <strong>et</strong> auprès de ses amis parisiens.<br />

Parallè<strong>le</strong>ment, d'un point de vue plus intime. <strong>le</strong>s théories du penseur al<strong>le</strong>mand interpel<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> jeune<br />

homme en grande partie parce qu'el<strong>le</strong>s <strong>le</strong> distraient d'un mal plus essentiel: «Lazare euphemizes<br />

his feelings of power<strong>le</strong>ssness by dressing Ihem in Ihe fashionab<strong>le</strong> language of Schopenhal/er. "<br />

Robert Zieg<strong>le</strong>r, « Creativity and the Feminine in <strong>Zola</strong>'s La Joie de l,ivre ». dans Anna Gural­<br />

Migdal (éd.), L'Écril/lre dl/ fémillin che;. <strong>Zola</strong> el dans la ficlion IIOI/Ira/is<strong>le</strong>. Bern, P<strong>et</strong>er Lang.<br />

2003. p. 208.<br />

105 Émi <strong>le</strong> <strong>Zola</strong>. La pel/r. Schopenhal/er. SlIr la vie. B. NF Ms. NAF 10.31 1. r' 262.<br />

J()(, Idem. B.N.F. Ms. NAF 10.311. r' 262.<br />

107 Rappelons que <strong>Zola</strong> continue d'appe<strong>le</strong>r «Quenu " <strong>le</strong> personnage du goutteux longtemps après<br />

l'avoir remplacé par Chanteau. Voir notre chapitre IV.

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