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Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM

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lui avoue s'être disputé avec son épouse: « Ah! quel éternel recommencement, dans ces<br />

misères quotidiennes:'>]' »C<strong>et</strong>te temporalité dote j'épisode d'une dimension tragique:<br />

138<br />

- Non, non 1... J. Nous nous sommes pardonné. Mais pour ce que ça durera' demain, ce sera<br />

une autre hi stoire, <strong>et</strong> tous <strong>le</strong>s jours. <strong>et</strong> toutes <strong>le</strong>s heures' Est-ce qu'on change, est-ce qu'on peut<br />

empêcher quelque chose'<br />

Pauline était devenue grave, ses yeux attristés se baissèrent. TI avait raison. el<strong>le</strong> voyait<br />

nel<strong>le</strong>menl se dérou<strong>le</strong>r des jours semblab<strong>le</strong>s, sans cesse la même querel<strong>le</strong> entre eux, qu'el<strong>le</strong><br />

devrait calmer. Et el<strong>le</strong>-même n'était plus certaine d'être guérie, de ne pas céder encore ft des<br />

vi o<strong>le</strong>nces j alouses 54 .<br />

Le cyc<strong>le</strong> favorise l'ennui, force J'impression de déjà vu, de recyclé <strong>et</strong>, plus largement,<br />

s'accorde au ton pessimiste du roman; qui plus est, <strong>le</strong> sentiment aigu du r<strong>et</strong>our éternel<br />

chez l'être de papier l'incline à rem<strong>et</strong>tre en cause sa propre volonté de puissance.<br />

René-Pierre Colin souligne qu'une vision plus volontiers mythologique de l'Histoire<br />

«semb<strong>le</strong> avoir profondément séduit l'ensemb<strong>le</strong> des naturalistes s<br />

:,> » - <strong>Zola</strong> inclus: «Le<br />

progrès: Eadem sed a/i<strong>le</strong>r S6 », note celui-ci dans son Dossier préparatoire, reprenant une<br />

maxime chère à Schopenhauer, rapportée par Ribot, <strong>et</strong> qu'on peut traduire par «<strong>le</strong><br />

progrès: la même chose, mais autrement ». Partant de celte prémisse, Schopenhauer<br />

imagine, non sans scandaliser ses contemporains, que <strong>le</strong>s humains, prenant conscience de<br />

l'arbitraire r<strong>et</strong>our des choses, finiront par se désintéresser d'une vie dépourvue de but- <strong>et</strong><br />

ne la perpétueront plus. Autrement dit, l'intuition <strong>schopenhauerien</strong>ne du progrès comme<br />

simp<strong>le</strong> chimère de l'esprit autorise <strong>le</strong> pessimiste à renverser de part en part la marche de<br />

l'Histoire; il suppose donc, contre la dia<strong>le</strong>ctique historique traditionnel<strong>le</strong>, que<br />

s7<br />

l'accroissement du savoir humain débouchera sur la fin de l'espèce Comme <strong>le</strong><br />

S) <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>. La Joie de vivre. dans Les Rougoll-Macql/arl. op. cil.. t. J1I, p. 1/26. «Les deux<br />

époux. commente CoJel<strong>le</strong> Becker. mènent à <strong>le</strong>ur tour, malgré <strong>le</strong>s efforts de Pauline, la vie des<br />

Chanteau: ils sont séparés par <strong>le</strong>s mêmes querel<strong>le</strong>s. <strong>le</strong>s mêmes criail<strong>le</strong>ries dans l'éternel<br />

recommencement de ''l'émiel<strong>le</strong>men!'' de la vie que rien ne peut empêcher ». Co<strong>le</strong>l<strong>le</strong> Becker.<br />

« Introduction ». dans É. <strong>Zola</strong>. La Joie de vivre. C. Becker (éd.), op. cil.. p. 27.<br />

S4 <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>. La Joie de vivre, dans Les ROirgon-Macquan. op. cil., t. Ill, p. 1126.<br />

\') Op. cil.. p. 191.<br />

')6 Émi <strong>le</strong> <strong>Zola</strong>. La pel/r. Schopenhauer. Sur la vie. B.N.F, Ms. NAF 10.311, r 278. Pour<br />

Schopenhauer. «toute l'histoire de J'humanité lient en deux mots: Eadel11 sed ali/er ». écril<br />

Théodu<strong>le</strong> Ribot, La Philosophie de Schopenhal/er, Paris, Baillière, 1874. p. 173.<br />

57 En fait. la réception française des idées pessimistes al<strong>le</strong>mandes a entr<strong>et</strong>enu une certaine<br />

confusion entre ln pensée de Schopenhauer <strong>et</strong> cel<strong>le</strong>. plus radica<strong>le</strong>, de son discip<strong>le</strong> Hartmann. Là où<br />

<strong>le</strong> maître se refusait d'imaginer une humanité qui aurait porté ses principes moraux à terme. <strong>le</strong><br />

discip<strong>le</strong> extrapolait <strong>le</strong>s conclusions de la doctrine: «Ainsi. tandis que la philosophie de<br />

Schopenhauer conduisait au renoncement du Sage <strong>et</strong> ft l'existence de l'esthète enfermé dans<br />

l'univers des œuvres d·art. cel<strong>le</strong> de Hartmann, plus radica<strong>le</strong>. débouchait sur un appel à la Fin. du<br />

Monde par eXlinction volontaire de l'espèce. » Jean Pierrot. L'Imaginaire décadenl (1880-1900).<br />

Paris. P. U. de France. 1977. p. 76.

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