Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
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(( l'évangi<strong>le</strong> de Pauline 64 » répond effectivement aux intentions <strong>le</strong>s plus n<strong>et</strong>tement affirmées<br />
de l'auteur), sur <strong>le</strong>s derniers mots (<strong>le</strong> cri de Chanteau 65 ) ou sur <strong>le</strong> dernier geste du livre (<strong>le</strong><br />
suicide de Véronique 66 ), ou même sur l'atmosphère généra<strong>le</strong> de l'œuvre (<strong>le</strong> continuel<br />
émi<strong>et</strong>tement 67 ), la seu<strong>le</strong> dispersion des interprétations sérieusement envisageab<strong>le</strong>s pour ce<br />
roman constitue en soi l'illustration parfaite de J'idéalité du réel. La pluralité invincib<strong>le</strong> des<br />
représentations véridiques d'une même expérience de <strong>le</strong>cture exemplifie <strong>le</strong> rapport au monde<br />
que Schopenhauer a voulu partager par sa philosophie: « fiction <strong>et</strong> spéculation, écrit Philippe<br />
Sabot, se superposent au point parfois de se confondre 68 . »Ironiquement, c'est précisément la<br />
dimension de la pensée <strong>schopenhauerien</strong>ne qui fut <strong>le</strong> moins bien assimilée en France à<br />
l'apogée de sa popularité.<br />
Mais gardons-nous de croire que toutes <strong>le</strong>s interprétations se va<strong>le</strong>nt. Schopenhauer n'était<br />
pas relativiste au point de nier la réalité du monde. <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong> encore moins. L'idée<br />
<strong>schopenhauerien</strong>ne du monde comme représentation toute personnel<strong>le</strong> <strong>et</strong> par là relative à<br />
chaque être doué de conscience émane des hypothèses ka nt iennes, desquel<strong>le</strong>s Schopenhauer<br />
ne s'est pas écarté:<br />
210<br />
(A L'expression est de Nils-Olof Franzén, « L'évangi<strong>le</strong> de Pauline », chap. dans op. Cil., p.204-213.<br />
C'est <strong>le</strong> penchant naturel de la critique génétique d'accorder préséance aux intentions originel<strong>le</strong>s du<br />
créateur dans son appréciation de l'œuvre. Henri Mil<strong>le</strong>rand <strong>et</strong> Cofelte Becker éga<strong>le</strong>ment suivent cel<strong>le</strong><br />
avenue, certes la plus communément empruntée de toutes par <strong>le</strong>s exégètes zoliens. « Quel est alors Je<br />
sens que <strong>Zola</strong> a donné à son œuvre <strong>et</strong> à l'attitude de Pauline?» s'interroge Becker. « Il est<br />
probab<strong>le</strong>ment, affirme-t-el<strong>le</strong>, dans celte définition du bonheur qu'exprime la jeune fil<strong>le</strong>: "<strong>le</strong> bonheur,<br />
selon el<strong>le</strong>, ne dépendait ni des gens ni des choses, mais de la façon raisonnab<strong>le</strong> dont on s'accommodait<br />
aux choses <strong>et</strong> aux gens". » Co<strong>le</strong>l<strong>le</strong> Becker, « Introduction », dans É. <strong>Zola</strong>, La Joie de vivre, C. Becker<br />
(éd.), Paris, Garnier-Flammarion, coll. « Garnier-Flammarion », no 273, 1974, p. 35; pour <strong>le</strong> passage<br />
cité par Becker, voir <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>, La Joie de vivre, dans Les Rougon-Macquart, op. cil., t. nI, p. 1002.<br />
Mitterand acco<strong>le</strong> à l'image de l'héroïne raisonneuse cel<strong>le</strong> du bébé qu'el<strong>le</strong> a sauvé; il oriente sa <strong>le</strong>cture<br />
vers <strong>le</strong>s thèmes fulurs de l'œuvre zolienne : « s'affirmaient la bonté <strong>et</strong> la pitié de Pauline, <strong>et</strong> la portée<br />
symbolique de l'enfantement ultime »; voir « La Joie de vivre, Étude », dans ibid., p. 1762.<br />
65 Comme s'y allache Reinhard Kuhn, qui conclut: « exis<strong>le</strong>nce, even under Ihe mosl IVrelched<br />
condilions, is affirmed.» Voir « Lazare (1884) », chap. dans The Demon of Noonlide: Ennui in<br />
Wes<strong>le</strong>rn Li<strong>le</strong>mlure, Princ<strong>et</strong>on (NJ), P. U. de Princ<strong>et</strong>on, 1976, p. 269-276, ici p. 276.<br />
66 Comme <strong>le</strong> fait Clayton Alcorn Jr: « Ralher, il is Véronique, who emerges as one of Ihe mosl<br />
pessimislic chamc<strong>le</strong>rs in Ihe book, who makes Ihe final valid pronouncemenl. » « <strong>Zola</strong>'s Forgolten<br />
Spokesman: Véronique in La Joie de vivre ». French ReFiew. vol. 49. no 1 (octobre 1975), p. 79.<br />
67 Ce fut <strong>le</strong> rét<strong>le</strong>xe de certains contemporains du romancier: « En voyanl loul en noir dans <strong>le</strong> roman de<br />
<strong>Zola</strong>, Maupassant l'assimi<strong>le</strong> à sa propre œuvre, l'incorpore dans sa propre vision de la vie romanesque<br />
<strong>et</strong> réel<strong>le</strong>. » David Bagu<strong>le</strong>y, « Une vie el La Joie de FiFre ». dans Maupassanl conte"r el romancier.<br />
C. Lloyd <strong>et</strong> R. L<strong>et</strong>hbridge (éd.), op. cil.. p. 67.<br />
68 Philippe Sabot, lac. Cil., p. 243.