Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
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CHAPITRE VI<br />
LES PERSONNAGES EN PYRAMIDE: LA SOUFFRANCE SYSTÉMATISÉE<br />
La Joie de vivre s'ouvre <strong>et</strong> se clôt sur des crises de goutte de Chanteau, ce qui place<br />
l'œuvre sous <strong>le</strong> signe d'une souffrance qui serait à la fois <strong>le</strong> prélude <strong>et</strong> la péroraison de<br />
l'existence: «La dou<strong>le</strong>ur étudiée dans ce qu'el<strong>le</strong> a de plus vio<strong>le</strong>nt. Portée philosophique<br />
de l'entrée dans <strong>le</strong> monde », note <strong>Zola</strong> dans <strong>le</strong> Dossier préparatoire, songeant assurément<br />
'<br />
aux maux qui accompagnent la naissance. Plus encore, souffrir devient <strong>le</strong> nœud, <strong>le</strong> cœur<br />
de l'existence, car <strong>le</strong> douzième roman des Rougon-Macquart est traversé de bout en bout<br />
par la souffrance de ce vieillard malheureux <strong>et</strong> décrépit. Ainsi, au début du Chapitre Il :<br />
Le sur<strong>le</strong>ndemain, dans la nuit, J'accès de goutte que Chanteau sentait venir, avait éclaté.<br />
Depuis une semaine il éprouvait des picotements aux jointures. des rrissons qui lui secouaient<br />
<strong>le</strong>s membres, une horreur invincib<strong>le</strong> de toul exercice. Le soir, il s'était couché plus tranquil<strong>le</strong><br />
pourtant, lorsque, à trois heures du matin. la dou<strong>le</strong>ur se déclara dans l'orteil du pied gauche.<br />
El<strong>le</strong> sauta ensuite au talon, finit par envahir la chevil<strong>le</strong>. Jusqu'au jour, il se plaignit<br />
doucement, suant sous <strong>le</strong>s couvel1ures, ne voulant déranger personne. Ses crises étaient<br />
l'errroi de la maison, il attendait la dernière minute pour appe<strong>le</strong>r. honteux d'être repris <strong>et</strong><br />
désespéré de l'accueil rageur qu'on allait raire à son mal'.<br />
La prolifération des indicateurs temporels dans ce passage suggère que <strong>le</strong> narrateur tient<br />
une sorte de «journal de la dou<strong>le</strong>ur» el accentue, à plus forte raison, l'impression que <strong>le</strong>s<br />
élancements du goutteux, essentiel<strong>le</strong>ment prévisib<strong>le</strong>s, imminents, attendus presque,<br />
peu vent à tout moment arracher un cri à Chanteau. Et <strong>le</strong> grondement caractéristique de<br />
Véronique, la servante, -« Le voilà qui gueu<strong>le</strong>' », grogne-t-eJie - automatiquement<br />
répond aux plaintes de l'handicapé, en guise d'écho, si l'on veu\. Motif récurrent qui<br />
devient comme <strong>le</strong> thème de c<strong>et</strong> opéra tragique.<br />
La constante menace d'un mal pouvant sourdre, <strong>et</strong> alors atteindre des somm<strong>et</strong>s,<br />
provoque dans <strong>le</strong> ménage une forme d'attente. La crise, en cela, est semblab<strong>le</strong> à la vague<br />
1<br />
<strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>. B.N.f. Ms, NAF 10.3 JI. 1" 126.<br />
, Idem. La Joie de "ivre. dans Les ROIIgon-Macqllan : /-lislOir(' natll]"('lIe el socia<strong>le</strong> d'Ilne famil<strong>le</strong><br />
salis <strong>le</strong> Second Empire. sous la dir. d'Henri Mil<strong>le</strong>rand <strong>et</strong> Armand Lanoux. Paris. Gallimard.<br />
coll. «Bibliothèque de la Pléiade ». 1964. t. )]J. p. R33-834.<br />
, Ibid.. p. 834.