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Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM

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par <strong>le</strong>s villageois, agit en chef d'orchestre qui dirige l'ensemb<strong>le</strong>. Examinons la tempête du<br />

début du chapitre VII :<br />

140<br />

Alors, Lazare descendit la côte, <strong>et</strong> Pauline <strong>le</strong> suivit, malgré <strong>le</strong> temps affreux. Quand ils<br />

débouchèrent au bas de Ja falaise, ils restèrent saisis du spectac<strong>le</strong> qui <strong>le</strong>s al<strong>le</strong>ndail. La marée,<br />

une des grandes marées de septembre, montait avec un fracas épouvantab<strong>le</strong>; el<strong>le</strong> n'était<br />

pourtant pas annoncée comme devant être dangereuse; mais la bourrasque qui soufnait du<br />

nord depuis la veil<strong>le</strong>, la gonflait si démesurément, que des montagnes d'eau s'é<strong>le</strong>vaient de<br />

l'horizon, <strong>et</strong> roulaient, <strong>et</strong> s'écroulaient sur <strong>le</strong>s roches. Au loin, la mer était noire, sous l'ombre<br />

des nuages, galopant dans <strong>le</strong> ciel livide.<br />

- Remonte, dit <strong>le</strong> jeune homme à sa couine. Moi, je vais donner un coup d'œil, el je reviens<br />

tout de suite.<br />

El<strong>le</strong> ne répondit pas, el<strong>le</strong> continua de <strong>le</strong> suivre jusqu'à la plage. Là. <strong>le</strong>s épis <strong>et</strong> une grande<br />

estacade, qu'on avait construite dernièrement, soutenaient un effroyab<strong>le</strong> assaut. Les vagues, de<br />

plus en plus grosses, tapaient comme des béliers, l'une après l'autre; el l'armée en était<br />

innombrab<strong>le</strong>, toujours des masses nouvel<strong>le</strong>s se ruaient. De grands dos verdâtres. aux crinières<br />

d'écume, moutonnaient à l'infini, se rapprochaient sous une poussée géante; puis, dans la rage<br />

du choc, ces monslres volaient eux-mêmes en poussière d'eau. tombaient en une bouillie<br />

blanche, que <strong>le</strong> flot paraissait boire el remporter 62 •<br />

Vrai, la mer «dict[e] <strong>le</strong> tempo du roman <strong>et</strong> en reflèt[e] <strong>le</strong> thème central: l'angoisse<br />

devant la temporalité <strong>et</strong> la mort 61 », mais là n'est pas son seul rô<strong>le</strong>. Dans « La structure de<br />

la mer dans La Joie de vivre », Joan Grenier rappel<strong>le</strong> quelques-uns des attributs « positifs<br />

el régénérateurs» de l'océan qui, lui conférant un doub<strong>le</strong> mouvement symbolique,<br />

s'accordent avec son naturel va-<strong>et</strong>-vient :<br />

La mer a une importance primordia<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s habitants de Bonnevil<strong>le</strong> en lant que moyen de<br />

subsistance, la pêche y élant J'industrie principa<strong>le</strong>. Produits de la mer. <strong>le</strong>s hromures de la<br />

malheureuse usine d'algues de Lazare avaient aussi donné des promesses d'enrichissement en<br />

guérissant tous <strong>le</strong>s « détraqués» du monde.<br />

L'air marin est réputé aussi pour ses propriétés thérapeutiques 64 .<br />

«Hanté par un déterminisme catastrophique, l'imaginaire zolien, commente Françoise<br />

Gaillard, est toul autant diluvien que généticien, lout autant incendiaire<br />

qu'évolutionnislé 5 »; il reste néanmoins que, dans La Joie de vivre, la fonction principa<strong>le</strong><br />

de la mer va dans <strong>le</strong> sens de la mortification. L'océan oppose sa masse aveug<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

mouvante, lOute-puissante, aux dérisoires constructions humaines, à la fragilité de la vie<br />

qui, humiliée par un adversaire <strong>le</strong>i, doit se renouve<strong>le</strong>r sans cesse pour ne serait-ce que<br />

perdurer. « Les vies humaines même, comme cel<strong>le</strong> du pêcheur Houtelard, sont englouties<br />

61 <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>. La Joie de l'ivre. dans Les Rougon-MacquarT. op. cil.. 1. lll. p. 984.<br />

6.1 David Bagu<strong>le</strong>y. loc. cil.. p. 84-85. Dans son artic<strong>le</strong>. Bagu<strong>le</strong>y montre <strong>le</strong>s diverses façons que se<br />

décline la mer en lant que symho<strong>le</strong> mortifère el dévorateur dans <strong>le</strong> roman: voir ibid.. p. 83-84.<br />

(H Joan Grenier, « La structure de ta mer dans La Joie de l'i\'l'e ». Cahier:; Ila/llralis<strong>le</strong>s, vot. 30.<br />

no 58 (1984), p. 63.<br />

6.\ Françoise Gai liard. « À chacun sa vérité ». Cahiers nGlllralis<strong>le</strong>s. vot. 24. no 52 (1978). p. 25.

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