Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
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que <strong>le</strong> passé ne passe pas, il demeure forcément présent: hérédité oblige 45 . «D'où la peur<br />
d'un r<strong>et</strong>our de l'autre (de la bête, du sauvage, de l'ancêtre maudit, toutes figures de c<strong>et</strong><br />
instinctuel, de ce primitif), de c<strong>et</strong> originel, écrit Françoise Gaillard, que la civilisation a su<br />
éradiquer <strong>et</strong> qui tient en échec son œuvre civilisatrice 46 . »<br />
Le schème zolien <strong>et</strong> maupassantien d'un Schopenhauer trépassé <strong>et</strong> resurgissant de ce<br />
néant qu'il a si bien vanté doit donc être envisagé comme un avatar d'un motif littéraire<br />
important à la fin du XIX e sièc<strong>le</strong>, notamment au sein du groupe de Médan; il s'inscrit dans <strong>le</strong><br />
courant de pensée (positiviste) qui conçoit <strong>le</strong> corps, <strong>et</strong> surtout <strong>le</strong> corps malade, comme un<br />
corps parlant - la maladie se voit dans <strong>le</strong> visage, dans la gestuel<strong>le</strong>, dans la démarche, dans la<br />
posture... suffit de savoir lire <strong>le</strong> corps pour l'examiner <strong>et</strong> diagnostiquer de l'extérieur un mal<br />
interne, car il se trouve « ventriloqué 47 » par la maladie, selon \' expression de Jan<strong>et</strong> Beizer.<br />
De toute évidence, ce schème capital de l'écriture naturaliste constitue la manifestation<br />
fictionnel<strong>le</strong> - la fictionnalisation, si on veut - d'une question qui taraudait <strong>le</strong>s consciences de<br />
l'époque:<br />
122<br />
N'est-ce pas ce sentiment d'être habité par un autre que P. Jan<strong>et</strong> décrit dans L'Automatisme<br />
psychologique (J 884), <strong>Zola</strong> dans La Bê<strong>le</strong> humaine (1890), G. de Maupassant dans Le Horla<br />
(1887), <strong>et</strong>c. N'est-ce pas ce sentiment de dépossession qu'on appel<strong>le</strong> une hantise'! Alors <strong>le</strong> vi f<br />
incapab<strong>le</strong> de résister à une pulsion qu'il ne reconnaît pas pour sienne, se sent hanté, habité par un<br />
autre qui œuvre en lui.<br />
l...] Le « ça », c'est <strong>le</strong> nom de l'autre du moi, <strong>le</strong> nom de l'autre en moi, car <strong>le</strong> sièc<strong>le</strong> finissant<br />
découvre avec terreur que l'autre, gue c<strong>et</strong> autre que la philosophie des Lumières avait relégué aux<br />
confins des mondes civilisés (<strong>le</strong> sauvage), aux confins des espaces balisés par la raison (<strong>le</strong> fou),<br />
réside en moi. <strong>Zola</strong> nomme ça « la fêlure ». Mais, quelque nom qu'on lui donne, J'évidence du<br />
« ça » annonce la fin du règne de l'homme, des l'homme des Lumières, de J' homo rationalis 4H<br />
Si c<strong>et</strong>te figure de hantise inquiétante n'a rien d'exclusivement zolien, il faut au demeurant<br />
convenir de l'originalité avec laquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong> se manifeste dans La Joie de vivre; car <strong>le</strong> schème<br />
type dans la fiction de la seconde moitié du XIX" sièc<strong>le</strong> n'est pas celui d'un surgissement du<br />
-15 « L'hérédité, rappel<strong>le</strong> Co)el<strong>le</strong> Becker, a été la grande hantise du XIX" sièc<strong>le</strong> qui croyait à la<br />
transmission de certaines maladies comme la syphilis, des dégénérescences, de la folie, <strong>et</strong>c. » Le<br />
Romanlwt/lraliste, Rosny, Bréal, coll. « Connaissance d'un thème », vol. 2, 1999, p. J 13.<br />
46 « Le Soi <strong>et</strong> J'Autre ». dans Stéphane Michaud (éd.), op. cit., p. 101.<br />
n Jan<strong>et</strong> Beizer montre en quoi <strong>le</strong> corps <strong>et</strong> ses sécrétions constituent une source intarissab<strong>le</strong><br />
d' « histoires »; sous c<strong>et</strong> ang<strong>le</strong>, on peut envisager Tante Dide comme corps générateur du cyc<strong>le</strong> entier<br />
des RO/lgon-Macq/lart. Voir VentriloqllÎzed Bodies: Narrati\'(:,s of Hysteria in Nin<strong>et</strong>eel71f1-CentIlIT<br />
FraI/ce. Ithaca <strong>et</strong> Londres, P. U. de Cornel!. 1994, p. J72.<br />
-1H Françoise Gaillard. « Le Soi <strong>et</strong> J'Autre », dans Stéphane Michaud (éd.), op. cit., p. 101-102.