Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
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Henri Mil<strong>le</strong>rand a bien r<strong>et</strong>racé l'influence du caractère nerveux d'<strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong> sur la genèse de<br />
La Joie de vivre. À partir des craintes <strong>et</strong> superstitions de l'écrivain répertoriées par <strong>le</strong> Dr<br />
Toulouse, Mil<strong>le</strong>rand conclut que la psychose prêtée au « souffrant moral» est p<strong>le</strong>inement<br />
cel<strong>le</strong> de son auteur: «Les peurs, <strong>le</strong>s obsessions, <strong>le</strong>s manies de Lazare, sont, en vérité cel<strong>le</strong>s<br />
même que <strong>Zola</strong> a éprouvées, depuis l'âge de trente ans jusqu'à la fin de sa vie '25 .» Le<br />
tempérament du « souffrant moral» semb<strong>le</strong> en eff<strong>et</strong> calquer <strong>le</strong>s faib<strong>le</strong>sses du romancier <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />
grossir, question d'en accentuer <strong>le</strong>s eff<strong>et</strong>s. Résultat, Lazare est nerveux à l'extrême, une crise<br />
chez lui n'al<strong>le</strong>nd pas l'autre, il cumu<strong>le</strong> <strong>le</strong>s fièvres <strong>et</strong> <strong>le</strong>s doutes.<br />
Il importe de garder à l'esprit que de tels traits de caractère ne constituent pas, s'il faut en<br />
croire l'Ancien Plan <strong>et</strong> l'Ébauche, une figure rare, mais bien plutôt la vraie vie ou encore<br />
l'homme du monde moderne. Ce serait <strong>le</strong> caractère de la nouvel<strong>le</strong> génération, selon <strong>Zola</strong>. Et il<br />
a sans doute en partie raison, car partout à l'époque il est question de l'affaiblissement de la<br />
race française: amaigrissement, épu isement des nerfs <strong>et</strong> des musc<strong>le</strong>s, langueurs, phtisie,<br />
folie, neurasthénie <strong>et</strong> hypochondrie sont tous des signes apparemment indiscutab<strong>le</strong>s de<br />
l'épuisement des énergies françaises. Pire, «si l'on en croit <strong>le</strong>s Essais, <strong>le</strong>s contemporains de<br />
Bourg<strong>et</strong> ont l'âme aussi malade que <strong>le</strong> corpsl26 », commente Michel Mansuy.<br />
Continuel<strong>le</strong>ment, semb<strong>le</strong>-t-il, Paris est <strong>le</strong> théâtre d'un triste spectac<strong>le</strong>, frê<strong>le</strong>s d'esprit <strong>et</strong> de<br />
corps en sillonnent <strong>le</strong>s rues: «c1ubmen faisandés, aristocrates au sang appauvri, prolétaires<br />
sous-alimentés <strong>et</strong> mal vêtus, déformés par <strong>le</strong> métier ou <strong>le</strong>s tares héréditaires, gens de plume<br />
enfin, qui semb<strong>le</strong>nt menacés dans <strong>le</strong>ur santé <strong>et</strong> <strong>le</strong>ur équilibre nerveux l27 ». Bref, <strong>le</strong> sièc<strong>le</strong><br />
serait al<strong>le</strong>int de « nervosisme' 28 » :<br />
Dans <strong>le</strong> cas des artistes <strong>et</strong> hommes de <strong>le</strong>ltres, ce déséquilibre est causé par une série d'abus: <strong>le</strong><br />
travail intel<strong>le</strong>ctuel trop soutenu, la débauche <strong>et</strong> <strong>le</strong>s femmes l...]' l'alcoolisme surtout. [...]<br />
Hors des milieux littéraires, on impute ces troub<strong>le</strong>s non seu<strong>le</strong>ment aux progrès de l'alcoolisme<br />
mais aussi au rythme hal<strong>et</strong>ant de la vie moderne <strong>et</strong> à l'entassement des populations dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s<br />
tentaculaires. [... ]<br />
125 « La Joie de vivre, Élude ». dans ibid., p. 1745.<br />
126 Michel Mansuy, op. cil., p. 333.<br />
m Ibid p. 330.<br />
128 Il s'agit de « c<strong>et</strong> état de vibration continue <strong>et</strong> exaspérée qùe la science é(iquelte du mot indéfini de<br />
"nervosisme" », selon <strong>le</strong>s mots de Paul Bourg<strong>et</strong>. Cité par Michel Mansuy. ibid, p. 332, note 39.<br />
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