Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
Émile Zola et le pessimisme schopenhauerien ... - Archipel - UQAM
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
impression très personnel<strong>le</strong>, comme <strong>le</strong> souligne Véronique Cnockaert, qui par<strong>le</strong> plus<br />
volontiers d'appropriation que de réécriture de L'Éducation sentimenta<strong>le</strong>: « En écrivant La<br />
Joie de vivre, <strong>Zola</strong> reprend à Flaubert ce qu'il y avait de lui dans l'œuvre du maître: sa<br />
jeunesse <strong>et</strong> l'''infirmité'' qu'el<strong>le</strong> cache ll7 . » Or, pour « reSSerrer» un récit, rien de mieux,<br />
nous l'avons vu avec Octave Mour<strong>et</strong> <strong>et</strong> Paul de Vallagnosc, que m<strong>et</strong>tre à l'emploi <strong>le</strong> débat<br />
d'idées par l'entremise de deux personnages aux vues opposées: d'abord camper d'un côté<br />
une force idéologique <strong>et</strong> de l'autre la force contraire, ensuite <strong>le</strong>s faire s'entrechoquer <strong>et</strong><br />
raconter la dispute.<br />
C'est l'appareil narratif privilégié des affrontements discursifs. Si, dans Au Bonheur des<br />
Dames, <strong>le</strong> choc ne se produit qu'à l'occasion d'une scène très circonscrite, La Joie de vivre<br />
montrera <strong>le</strong>s forces en présence se tiraillant constamment. La souffrance mora<strong>le</strong>, incarnée par<br />
un Lazare « hésitant, avec des énergies qui s'affirment furieusement pour disparaître<br />
bientôt l18 », sera mise « en face» de la santé mora<strong>le</strong> en la personne d'une Pauline qui est « la<br />
joie de la vie, toujours droite dans sa volonté, dans sa santé, dans <strong>le</strong> bonheur de l'habitude,<br />
dans l'espoir du <strong>le</strong>ndemain 119. » Selon ce schème narratif, <strong>le</strong>s deux personnages, en plus de<br />
personnifier ces abstractions adverses, peuvent en venir aux mots, <strong>et</strong> chacun alors de débiter<br />
la théorie que lui attribue l'auteur.<br />
117 Véronique Cnockaert, <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>. Les inachevés: Une poétique de l'ado<strong>le</strong>scence, Montréal, XYZ,<br />
coll. «Documents »,2003, p. 120. L'analyse de Jean Borie, en préface à l'édition folio de La Joie de<br />
vivre, abonde en ce sens: «La tradition critique <strong>et</strong> académique a cultivé un parallè<strong>le</strong> qui "s'imposait":<br />
La Joie de vivre <strong>et</strong> L'Éducation sentimenta<strong>le</strong>, deux romans de l'échec. L'utilité de celte comparaison<br />
me paraît surtout de marquer l'extrême différence entre ces deux œuvres <strong>et</strong>, pour tout dire, qu'el<strong>le</strong>s<br />
n'ont rien de commun. Au fond, ni l'une ni l'autre ne mérite d'être appelée roman de l'échec.<br />
Notoirement pas L'Éducation sentimenta<strong>le</strong>: on aurait sans doute bien fait rire Flaubert en tentant de<br />
lui expliquer la va<strong>le</strong>ur du succès. [...] Frédéric Moreau promène, comme par inadvertance, à travers<br />
des circonstances diverses, un refus discr<strong>et</strong> <strong>et</strong> entêté, <strong>et</strong> <strong>le</strong> refus ne doit pas être confondu avec l'échec.<br />
[...] Lazare, lui, indiscutab<strong>le</strong>ment, échoue. Ses échecs semb<strong>le</strong>nt même complaisamment signalés <strong>et</strong><br />
appuyés par l'auteur: la Symphonie. l'usine des algues. <strong>le</strong>s épis anti-marées. Cependant, comme <strong>Zola</strong><br />
nous indique, en même temps. que. dans toutes ces entreprises, Lazare a montré une large mesure<br />
d'enthousiasme, d'intelligence <strong>et</strong> même de ta<strong>le</strong>nt (mais un défaut de réalisme <strong>et</strong> de persévérance), on<br />
serait tenté d'admirer la diversité des dons de ce personnage qui pourrait réussir indifféremment<br />
comme musicien, comme chimiste ou comme ingénieur. » Jean Borie. dans É. <strong>Zola</strong>, La Joie de vivre,<br />
édition d'Henri Mil<strong>le</strong>rand, op. cit., p. 19-20.<br />
118 <strong>Émi<strong>le</strong></strong> <strong>Zola</strong>. B.N.F. Ms, NAF 10.31 1, 1° 155.<br />
119 ldem, B.N.F, Ms, NAF 10.311, jO 151.<br />
75