Projet de recherche sur le paiement forfaitaire compensatoire : le ...

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Chapitre 3
Les non-bénéficiaires ont cité de nombreux exemples d’avidité au sein de certaines familles. Les participants
les plus modérés ont souligné que les enfants ou petits-enfants des Survivants estimaient que cet argent
leur appartenait tout autant. Et d’ajouter que les proches des bénéficiaires attendent leur part : ils attendent
qu’ils partagent avec eux une partie, voire la totalité du PF. Un bénéficiaire a fait état de cas où les paiements
forfaitaires ont servi à gâter les enfants et les familles et les Survivants se sont ensuite retrouvés dans le besoin.
Les non-bénéficiaires pensaient que l’entourage des Survivants avait tendance à profiter de la générosité et du
sens de l’entraide familiale des Survivants : [traduction] « Les parents ont dit qu’ils avaient distribué à leurs
enfants les 8 000 dollars qu’ils avaient obtenus. » Certains parents auraient été exploités par leurs enfants après
leur indemnisation. L’un des bénéficiaires a toutefois précisé que de tels agissements n’avaient été observés que
dans 5 pour cent des familles indemnisées au sein de sa collectivité. Les personnes âgées dépendantes de leurs
proches n’ont parfois pas d’autres choix que de se plier à leurs exigences et de se taire par crainte d’abandon.
D’autres bénéficiaires craignaient de se rendre seuls à la banque, car ils savaient qu’ils y rencontreraient
des personnes de leur connaissance qui leur quémanderaient de l’argent pour acheter de la nourriture
ou régler leur loyer. L’un des participants a tenu à souligner le fait que les proches des bénéficiaires leur
empruntaient de l’argent qu’ils ne leur rembourseraient jamais et que les prêteurs avaient ainsi l’impression
d’être « exploités ». D’après les non-bénéficiaires, certains Survivants ont fait l’objet de bien plus que de
simples pressions. Les personnes interrogées ont en effet rapporté de nombreux cas d’extorsion, dont celui
d’enfants ayant volé la carte bancaire de leurs parents et vidé leur compte, celui de cet homme ayant retiré
5 000 dollars de l’acompte de sa mère pour les dépenser dans des machines à sous et celui d’une vieille
femme dont les enfants ont soutiré, dans la même journée, les 8 000 dollars qu’elle avait reçus en acompte.
L’un des bénéficiaires a émis l’idée dérangeante que de telles sollicitations de la part des proches de
bénéficiaires puissent en fait être une forme de revanche : [traduction] « Près de la moitié des membres
de notre collectif de Survivants ont été sollicités par des proches qui voulaient une partie de leur indemnité,
parce que ces Survivants leur avaient fait subir des sévices corporels et sexuels. » Il se pourrait aussi que les
Survivants aient décidé de remettre de l’argent à leurs enfants pour exprimer leurs regrets et racheter leur
mauvaise conduite envers leur famille.
Les non-bénéficiaires ont expliqué que, malgré de tels revers, les Survivants refusaient généralement l’aide
extérieure qui leur était proposée : [traduction] « On ne peut aller à l’encontre de cette tradition de
partage. » Une autre personne a formulé le commentaire suivant : [traduction] « Nous pouvons aider
dans une large mesure les Survivants à obtenir une indemnité, mais personne ne nous a demandé de les
aider à gérer leur argent. C’est l’affaire de la famille. » Les proches intéressés par l’argent des bénéficiaires ne
sont toutefois pas les plus difficiles à convaincre, mais les bénéficiaires eux-mêmes : [traduction] « Les
personnes âgées veulent absolument aider les autres. Elles n’acceptent aucun conseil. C’est un choix personnel.
Elles nous répondent que ce sont leurs affaires. » Cependant, les bénéficiaires ne souhaitaient pas s’opposer à
leur famille. L’un des non-bénéficiaires a précisé que la majorité d’entre eux distribuaient leur argent comme
ils l’entendaient, même s’ils devaient s’en passer.
[traduction] Je connais une dame qui veut louer un logement pour ses petits-enfants
avec son argent. Ils ne travailleront pas. Elle ne prend pas soin d’elle et n’est pas en bonne
santé. Nous avons dû la retirer de la maison où elle habitait. Elle souhaite maintenant y
retourner. J’essaie de la convaincre de garder son argent pour aller voir sa famille aux États-
Unis. Elle a tout perdu. Ça se reproduira. Je le crains. Que faire?