Projet de recherche sur le paiement forfaitaire compensatoire : le ...

41
Chapitre 3
La majorité des Survivants n’avaient [traduction] « jamais vu autant d’argent : ils n’avaient donc aucune
idée de ce que cela pouvait représenter », a fait remarquer un non-bénéficiaire. Généralement peu instruits,
[traduction] « ils ne gardaient rien, parce qu’ils ne savaient pas comment gérer l’argent, encore moins une
grosse somme. » L’un des non-bénéficiaires a ainsi résumé la situation : [traduction] « Après des années
de dépendance, rien d’étonnant à ce que les bénéficiaires n’aient pas su bien gérer leur argent. »
Les non-bénéficiaires n’ont jamais eu l’intention de remettre en cause les droits des Survivants concernant
les paiements forfaitaires : [traduction] « D’une certaine manière, c’est bien qu’ils aient eu cet argent,
mais il est dommage qu’ils n’aient pas été préparés à recevoir et économiser de telles sommes. Tout ce qu’ils
savaient, c’est qu’ils en avaient besoin. »
En outre, les non-bénéficiaires ont souligné qu’il n’y avait généralement rien de prévu pour ceux qui auraient
souhaité apprendre à gérer leurs finances. Par ailleurs, l’un des non-bénéficiaires a fait remarquer que l’esprit
d’entreprise n’était pas encore répandu chez les Autochtones et que, de toute manière, les paiements forfaitaires
n’étaient pas suffisants pour constituer une entreprise. [traduction] « Qu’est-ce qu’il restera dans cinq ans?
Rien. »
Certains non-bénéficiaires ont suggéré que toucher des PF tenait presque autant du hasard que de gagner
au bingo ou à la loterie dans l’esprit des Survivants, car ils n’avaient pas l’habitude d’avoir de l’argent. Nombre
d’entre eux ont souligné que les Survivants considéraient les paiements forfaitaires comme une aubaine,
suggérant en quelque sorte une mentalité de gagner et dépenser sans compter. C’est comme si ces indemnités
leur étaient tombées du ciel, qu’ils ne les avaient pas gagnées de leur propre chef, ni méritées. L’un des nonbénéficiaires
a expliqué que la dévalorisation des raisons à l’origine des indemnités et de leur signification
peut avoir incité les Survivants à sous-estimer leur situation d’autres façons :
[traduction] La plupart des Survivants se seraient probablement contentés de 2 000
dollars… Ils ne pensaient pas valoir plus, car ils ont perdu le sens de leur propre valeur.
Comment peut-on apprécier la valeur de l’argent quand on pense n’en avoir aucune soimême?
Les paiements forfaitaires n’ont pas permis aux Survivants de s’acheminer vers la guérison
Les commentaires des non-bénéficiaires portent à conclure que les efforts des avocats pour inciter leurs
clients à suivre une thérapie ont été vains. [traduction] « Les Survivants ont reçu entre 10 000 et 12 000
dollars pour bénéficier de thérapies. Certaines personnes s’en sont servies pour se soigner par leurs propres
moyens. Cet argent aurait pu être dépensé dans des programmes à la place. » Plusieurs non-bénéficiaires
s’opposaient à l’idée que les bénéficiaires aient à payer eux-mêmes les soins en question : [traduction] « Ils
étaient prêts à suivre une thérapie, mais pas à leurs frais. » Par ailleurs, certains non-bénéficiaires avaient
le sentiment que les séances de thérapie obligatoires n’avaient pas porté fruit. Enfin, certains affirmaient
que [traduction] « ceux qui veulent aller mieux doivent tirer parti des programmes et services de soins
offerts ». Un conseiller a relaté cette anecdote :
[traduction] Au départ, les Survivants faisaient appel à nous sur les conseils de leur
avocat. Les cabinets juridiques mettaient de côté entre cinq et dix mille dollars pour des
thérapies. C’était la norme vers la fin des années 1990. Les clients venaient chez nous pour