Projet de recherche sur le paiement forfaitaire compensatoire : le ...

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Chapitre 3
la honte à l’isolement et au silence, la manière dont les Survivants manifestent leur souffrance peut entraver
leur soutien. Les personnes interrogées considéraient que le fait que les Survivants exprimaient difficilement
leurs émotions et leur angoisse, leur désespoir constituait un autre obstacle. Bon nombre des personnes
n’ayant pas bénéficié de PF ont évoqué le cas de Survivants particulièrement réservés qui ne ressentaient pas
le besoin d’être aidés et refusaient d’écouter les conseils. Dépeints comme des récalcitrants, ces bénéficiaires
ont tendance à s’isoler. Selon certains non-bénéficiaires, toutes les suggestions concernant les paiements
forfaitaires se sont heurtées à des réponses lapidaires, dont voici un exemple : « J’ai souffert pour avoir cet
argent. Alors j’en fais ce que je veux. » D’autres ont, quant à eux, expliqué une telle attitude par le fait qu’il
n’y avait personne à qui les Survivants refermés sur eux-mêmes pouvaient réellement s’adresser.
À l’instar des bénéficiaires, les non-bénéficiaires étaient d’avis que le manque d’assurance et d’autonomie des
Survivants constituait une barrière. Un conseiller a qualifié d’impuissance acquise l’apathie et la confusion
de certains Survivants. Le paternalisme leur a ôté toute confiance en soi. Ils sont aujourd’hui incapables
d’envisager des solutions à leurs problèmes, encore moins d’en chercher. Bien qu’il s’agisse d’une pratique
inhabituelle, ce conseiller a tenté d’inculquer aux Survivants certaines notions budgétaires et il leur a
suggéré de se fixer des buts raisonnables, afin que ceux-ci puissent s’en sortir. Il craignait toutefois de les
voir abandonner leurs objectifs à court terme en percevant des indemnités importantes. Cette dépendance a
conduit certains bénéficiaires à rester fidèles à des avocats qui ne satisfaisaient pourtant pas leurs attentes.
Un non-bénéficiaire a expliqué que la fréquence des abus intergénérationnels dans certaines collectivités a
emprisonné les gens dans une mentalité de victime. Cette identité bien ancrée s’est convertie en une excuse
pour justifier tous leurs comportements ultérieurs : [traduction] « J’ai le droit de faire tout ce que je veux,
parce que j’ai fréquenté un pensionnat. » Dans le même ordre d’idées, l’un des non-bénéficiaires a dénoté
une peur de la réussite chez certains d’entre-eux :
[traduction] Quand je suis sobre, j’ai peur de trois choses : d’échouer, d’être rejeté et de
réussir. J’ai peur de la réussite, parce qu’en devenant adulte, je me suis saboté, j’ai compromis
toutes mes chances. Il faut aider les gens à surmonter les obstacles et à avancer dans la vie.
Ça prend des années.
Beaucoup de non-bénéficiaires estimaient que la dépendance et ceux qui en profitent empêchent
d’intervenir efficacement. Les bénéficiaires étaient aussi d’avis que les problèmes liés à l’alcoolisme et la
toxicomanie compliquaient la tâche de ceux qui tentaient de porter secours aux Survivants. Selon les nonbénéficiaires,
ce type de dépendance rend les gens vulnérables et déforme leur vision de la réalité. D’après
eux, les bénéficiaires de PF doivent être sobres pour bien gérer leurs finances. Or, dans les régions isolées, les
collectivités épargnées par l’alcoolisme sont généralement cernées par les magasins d’alcool des villes voisines
non autochtones. Les bénéficiaires partagent cette préoccupation. Ils s’inquiètent également de la présence
de revendeurs de drogue. La drogue ne vient pas toujours de loin : beaucoup de revendeurs sont les voisins
de leurs clients et ils ne cachent pas leurs activités. Certains non-bénéficiaires doutaient de la détermination
des autorités, car les revendeurs menacent tous ceux qui tentent d’enrayer le commerce de la drogue et les
agents craignent des représailles. En outre, l’écoulement de la drogue constitue, pour certains jeunes, la
seule activité lucrative et source de revenus dans leur localité. Plusieurs non-bénéficiaires ont souligné que
certaines personnes étaient déjà tombées dans le piège de l’alcoolisme, du tabagisme et du jeu et maintenant
celui de l’appât du gain, une soif insatiable.