ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2010 - IOM Publications
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4.1 Recueil de données précises sur<br />
la migration irrégulière<br />
L’adoption de mesures efficaces est entravée<br />
par un manque cruel de données exactes<br />
et vérifiables qui permettraient de dégager<br />
des tendances ou de comparer l’ampleur du<br />
phénomène dans différentes parties du monde.<br />
Bien que l’intérêt des chiffres sur la migration<br />
irrégulière ne fasse pas l’unanimité, ni l’usage<br />
qui en est fait 54 , il y a d’excellentes raisons<br />
d’améliorer les dispositifs actuels de collecte de<br />
données. Les Etats ont besoin de statistiques<br />
pour justifier l’affectation des ressources, tenter<br />
d’anticiper les effets économiques et sociaux<br />
et planifier les interventions à l’échelle locale,<br />
régionale et nationale. Les médias peuvent<br />
rendre les chiffres publics, à condition de les<br />
manier avec discernement. Les organisations<br />
internationales et non gouvernementales, y<br />
compris les syndicats, qui s’intéressent à la<br />
question ou aident les migrants en situation<br />
irrégulière ont besoin de données fiables pour<br />
attribuer les ressources, procurer un appui,<br />
mettre en place une logistique, obtenir des<br />
fonds et rendre compte de leurs dépenses 55 . Le<br />
dénombrement des migrants irréguliers peut<br />
profiter aux migrants eux mêmes, par exemple<br />
en identifiant les plus vulnérables d’entre eux et<br />
en leur offrant assistance et protection 56 .<br />
La collecte, l’analyse et l’interprétation de<br />
données sur la migration irrégulière présentent<br />
des difficultés d’ordre théorique et pratique. Il<br />
convient, dans un premier temps, de préciser<br />
avec soin ce que l’on entend par cette notion<br />
complexe et pluridimensionnelle. Une distinction<br />
est généralement faite entre les flux et les<br />
populations, deux réalités elles-mêmes délicates<br />
à cerner. On a souligné plus haut l’importance<br />
de prendre en considération la multiplicité des<br />
circonstances qui mènent à l’illégalité. Il est<br />
tout aussi important d’extraire les demandeurs<br />
d’asile des données globales sur la migration<br />
irrégulière. Une autre difficulté découle du fait<br />
que le statut des migrants peut changer, souvent<br />
rapidement. De manière plus pragmatique,<br />
le dénombrement est souvent inexact car les<br />
personnes en situation irrégulière ont tendance<br />
à éviter les contacts avec les pouvoirs publics,<br />
par crainte d’être arrêtées et éloignées.<br />
54 Koser (<strong>2010</strong>).<br />
55 Crisp (1999).<br />
56 Réseau européen des migrations (2005).<br />
Toutes les méthodes utilisées pour estimer le<br />
nombre de migrants en situation irrégulière<br />
présentent des limites. Dans les pays de<br />
destination à revenu élevé, la source de données la<br />
plus courante et la plus simple est le recensement<br />
de la population, généralement réalisé tous les<br />
dix ans. Plusieurs imperfections entachent cette<br />
catégorie de données 57 . Les recensements dits<br />
de jure reposent sur le lieu de résidence légale et,<br />
les migrants en situation irrégulière n’ayant pas de<br />
résidence légale par définition, ils sont rarement<br />
comptés ; au contraire, les recensements dits<br />
de facto dénombrent les personnes où qu’elles<br />
se trouvent le jour fixé par l’administration.<br />
En outre, aucune question n’est posée sur le<br />
statut juridique des personnes interrogées ; si<br />
beaucoup de migrants en situation irrégulière<br />
peuvent être comptés, il est impossible de<br />
savoir qui, parmi les personnes interrogées, est<br />
autorisé ou non à séjourner sur le territoire. Un<br />
autre inconvénient est le grand intervalle de<br />
temps qui s’écoule entre deux recensements, si<br />
bien que les données sur l’immigration obtenues<br />
par ce moyen sont constamment dépassées. Les<br />
enquêtes intercensitaires peuvent y remédier,<br />
mais elles présentent les mêmes insuffisances<br />
que les recensements ordinaires.<br />
Trois méthodes plus directes ont été employées<br />
pour tenter de préciser l’ampleur de la migration<br />
irrégulière. Premièrement, la consultation des<br />
dossiers de l’administration publique (refus de<br />
visas d’entrée, de permis de travail et de titre de<br />
séjour, rejets de demandes d’asile) peut donner<br />
une idée du nombre de migrants en situation<br />
irrégulière. Les données recueillies lors des<br />
contrôles policiers et des arrestations, ou encore<br />
les rapports de l’inspection du travail sont<br />
également utiles 58 . Soulignons à ce propos que la<br />
réglementation et la normalisation de la collecte,<br />
la gestion et la protection des données sont des<br />
volets essentiels du renforcement des capacités<br />
dans le domaine de la gestion des frontières.<br />
Deuxièmement, des enquêtes spéciales ont<br />
été conduites sur divers sujets, tels l’emploi<br />
illicite dans les pays d’accueil ou les familles qui<br />
comptent des migrants dans les pays d’origine 59 .<br />
Elles reposent cependant sur des échantillons<br />
restreints qui ne sont pas toujours représentatifs<br />
de l’ensemble de la population.<br />
Les programmes de régularisation constituent<br />
une troisième source de données directes. Ils<br />
57 Massey et Capoferro (2007).<br />
58 Pinkerton et al. (2004).<br />
59 Massey et Capoferro (2007).<br />
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