Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

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Les défis de l’agriculture mondiale
imposée par le cultivateur. Le sélectionneur facilite la reproduction des espèces et
variétés élites, c’est-à-dire celles qui vont engendrer les meilleurs descendants en
fonction de ce qu’il en attend. Bien entendu, la Nature n’agit pas de la sorte. En
fait, elle va simplement sélectionner les êtres les mieux dotés pour se reproduire
dans les conditions où ils se trouvent.
La seconde source d’inspiration est Thomas Malthus, un fils de pasteur
anglais fort pessimiste. Observant l’évolution du monde, Malthus en tire des
conclusions désabusées. En effet, note-t-il, la croissance de la production des
ressources alimentaires se fait sur un mode algébrique alors que la population
croit de manière géométrique. L’accroissement beaucoup plus rapide de la
population que des ressources, va de ce fait engendrer une compétition toujours
plus vive, pour l’accès à des vivres de plus en plus insuffisantes. S’ensuivront des
meurtres, des conflits, des guerres, toujours plus de violence. L’avenir est par
conséquent sombre. La seule solution pour éviter un tel scénario est de réduire
la croissance de la population. De cette idée est né le Malthusianisme.
La troisième source d’inspiration de Darwin repose probablement sur
la théorie économique du libéralisme, apparue environ quatre-vingts ans
auparavant en Ecosse. On la doit à Adam Smith, le père du capitalisme, dans
une forme proche de celle qui perdure de nos jours. Pour Adam Smith, la
compétition entre les entreprises des hommes aboutit à l’élimination des moins
performantes, permettant aux plus performantes d’entre elles de perdurer et
d’en engendrer d’autres. Là réside, par conséquent, le mécanisme principal du
progrès des sociétés. Dans ce système reflétant la Nature, il faut que l’homme
intervienne le moins possible pour éviter de perturber l’efficacité de ce type de
sélection ; c’est le laisser-faire capitaliste par excellence. Adam Smith postule que
c’est là le moyen pour l’homme de parvenir à une plus grande prospérité et à
une plus grande vertu. Non pas que la vertu soit l’élément moteur, mais selon la
thèse d’Adam Smith, les vices privés sont les vraies causes des vertus publiques.
En effet, nous dit Adam Smith, il y a deux manières d’avoir du bon pain. La
première solution consiste à demander au boulanger de s’appliquer parce qu’il lui
est agréable d’offrir à ses concitoyens un produit de qualité. Cela ne marche pas.
En revanche, l’autre possibilité est de mettre en concurrence tous les boulangers.
Alors, s’ils vendent du bon pain, ce n’est pas pour faire plaisir aux clients mais
pour en écouler plus que les compétiteurs. Il n’empêche que c’est là la garantie
pour la population de pouvoir consommer du pain de qualité. On reconnaît, là
encore, les standards de la théorie du libéralisme moderne.
Darwin puise donc à toutes ces sources pour interpréter ses données et élaborer
sa théorie. Dans son livre fameux sur « L’origine des espèces » 57 par le moyen de
la lutte pour la vie, paru en 1869, il observe que, dans la Nature, les êtres sont
57 Editions Flammarion
Les défis de l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA