Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage
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<strong>Les</strong> <strong>défis</strong> <strong>de</strong> l’agriculture <strong>mondiale</strong><br />
<strong>Les</strong> effets pervers <strong>de</strong> l’ambition « universaliste »<br />
La première est liée à l’ambition <strong>de</strong>s sciences agronomiques d’élaborer en<br />
priorité <strong>de</strong>s savoirs à large portée, tant dans l’espace que dans le temps. Cet<br />
esprit « universaliste » exprime pour partie <strong>de</strong>s préoccupations <strong>de</strong> légitimité<br />
scientifique sur lesquelles nous reviendrons dans la quatrième partie. Elle résulte<br />
également <strong>de</strong> contraintes pratiques, à savoir la relative lenteur <strong>de</strong> l’élaboration<br />
<strong>de</strong>s innovations dans le domaine agronomique –durée <strong>de</strong> création d’une variété,<br />
d’un produit phytosanitaire, élaboration d’un vaccin vétérinaire– et, en termes<br />
économiques, au coût <strong>de</strong>s investissements sous-jacents, ces <strong>de</strong>ux aspects, durée et<br />
coût, étant assez indépendants <strong>de</strong> la taille du marché potentiel.<br />
D’où une priorité et une focalisation sur <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> culture importants,<br />
tendance qui, contrairement à ce que l’on pouvait espérer (notamment lors <strong>de</strong><br />
l’apparition <strong>de</strong>s biotechnologies), semblent aller plutôt en se renforçant. En<br />
effet, le développement <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s et d’outils sans cesse plus performants<br />
semble plus que compensé par la complexité croissante <strong>de</strong>s problèmes à résoudre<br />
pour obtenir <strong>de</strong> nouveaux progrès. Comme me le confiait en plaisantant un<br />
sélectionneur américain <strong>de</strong> maïs à propos <strong>de</strong> la génomique : « Cela me permet<br />
<strong>de</strong> créer beaucoup plus vite une mauvaise variété à partir d’une bonne mais pas<br />
d’en obtenir une meilleure ». En outre, les contraintes réglementaires croissantes,<br />
souvent légitimes, <strong>de</strong> mise sur le marché <strong>de</strong>s produits contribuent également à<br />
l’alourdissement du processus d’innovation. La focalisation <strong>de</strong>s portefeuilles <strong>de</strong>s<br />
semenciers privés 104 , mais aussi <strong>de</strong> la recherche publique, sur un petit nombre<br />
d’espèces illustre ce phénomène.<br />
Une solution classique à cette question <strong>de</strong> « l’espace <strong>de</strong> diffusion » <strong>de</strong>s<br />
innovations a été d’améliorer l’homogénéité <strong>de</strong>s pratiques, en développant <strong>de</strong>s<br />
systèmes <strong>de</strong> culture standardisés que les agriculteurs étaient incités à adopter,<br />
en recourant éventuellement à divers intrants (énergie, irrigation, engrais…)<br />
permettant <strong>de</strong> corriger les écarts <strong>de</strong> leur situation par rapport à ces références.<br />
<strong>Les</strong> modèles <strong>de</strong> la serre horticole où <strong>de</strong>s élevages hors-sol <strong>de</strong> volailles constituent<br />
<strong>de</strong>s exemples emblématiques <strong>de</strong> ces systèmes « clés en main » susceptibles<br />
d’être implantés sur l’ensemble <strong>de</strong> la planète. En complément <strong>de</strong> cette approche<br />
technique d’uniformisation <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> production, le développement <strong>de</strong><br />
politiques agricoles visant à stabiliser dans le temps les données économiques<br />
<strong>de</strong> ces systèmes –prix garantis, quotas <strong>de</strong> production, gestion <strong>de</strong>s excé<strong>de</strong>nts– a<br />
permis aux agriculteurs, au moins dans les pays développés, d’investir, tant techniquement<br />
que financièrement dans ces systèmes <strong>de</strong> production « mo<strong>de</strong>rnes » avec<br />
une forte assurance sur leur rentabilité.<br />
104 En 2004-2005, le maïs et le sorgho représentaient à eux seuls 33 % du chiffre d’affaires <strong>de</strong>s semenciers français (1 943 millions<br />
d’euros). En ajoutant les céréales à paille, la betterave et la pomme <strong>de</strong> terre, l’ensemble représente 61% du CA total (source :<br />
GNIS). Aux USA, le maïs et le soja représentent ensemble 55 % <strong>de</strong> la valeur total <strong>de</strong>s semences vendues (source USDA).<br />
<strong>Les</strong> <strong>défis</strong> <strong>de</strong> l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA