Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

De nouvelles politiques agricoles
251
Mais on comprend les hésitations des gouvernements et des bailleurs de
fonds internationaux à entreprendre une politique agricole fondée sur des
appareils étatiques qui ont montré dans le passé leur faible efficacité, souvent
leur corruption, et quelquefois même leur adversité au développement de l’agriculture.
Pourtant un grand effort de politique agricole est devenu nécessaire. La
Banque Mondiale elle-même, fer de lance des politiques d’ajustement depuis
des décennies, dans son rapport de 2007 171 , reprend l’initiative sur le thème du
développement agricole.
L’enjeu est de permettre aux agricultures familiales
de saisir l’opportunité d’une remontée des prix agricoles
et d’accompagner leur développement fragile.
Si cette remontée historique des prix agricoles se produit, ce qui est
souhaitable et vraisemblable, il faut espérer que les gouvernements des pays
en développement auront la sagesse de transmettre ces hausses de prix aux
producteurs agricoles de manière à ce que ceux-ci entreprennent les investissements
de productivité nécessaires à produire les excédents qui seront destinés à
alimenter les populations des villes. Une telle politique n’est cependant pas simple
à mener car une hausse des prix alimentaires dans les villes va inévitablement se
traduire par une accentuation de la pauvreté et des risques d’émeutes urbaines. La
stabilité politique des pays en dépend et il faudra beaucoup de courage politique
aux gouvernements concernés pour maintenir le cap de la confiance vis-à-vis de
la production agricole si celle-ci a des difficultés pour être au rendez-vous de la
productivité. Il est toujours plus facile pour un gouvernement d’acheminer des
bateaux de céréales vers les capitales pour éviter les émeutes urbaines que de
stimuler durablement une agriculture pauvre qui a de la difficulté à enclencher
un processus d’accroissement de la productivité.
L’enjeu est donc considérable. Pour les agricultures d’autosubsistance, il
s’agit progressivement de produire des surplus commercialisables et d’entrer
durablement dans une économie de marché liant la ville et son arrière-pays
agricole. Pour les agricultures en situation de grande pauvreté, il s’agit progressivement
de passer de la survie à l’autosuffisance, puis à plus long terme
d’entrer dans une économie productive concourant à l’alimentation nationale et
régionale.
De telles transformations nécessitent des politiques publiques en accompagnement
des prix éventuellement élevés qui seraient offerts par le marché. De
telles politiques devraient avant tout garantir durablement un espace de marché
171 L’agriculture au service du développement, Banque Mondiale 2007. Cette institution opère à cette occasion un changement spectaculaire de
préconisations ; on peut y lire en particulier que « Au XXI e siècle, l’agriculture reste un instrument fondamental du développement durable et de la
réduction de la pauvreté » ; « Pour que l’agriculture puisse entraîner la croissance économique, il faudra que s’opère une révolution dans la productivité des petites
exploitations agricoles » ; « L’agriculture est riche de promesses pour la croissance, la réduction de la pauvreté et la fourniture de services environnementaux, mais,
pour que ces promesses se concrétisent, la main visible de l’Etat devra se manifester. »
Les défis de l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA