31.10.2014 Views

Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

216<br />

<strong>Les</strong> <strong>défis</strong> <strong>de</strong> l’agriculture <strong>mondiale</strong><br />

En outre, cette différence <strong>de</strong> vision sur la « valeur » <strong>de</strong>s écosystèmes s’accompagnait<br />

d’une perception très contrastée <strong>de</strong>s échelles <strong>de</strong> temps à prendre en<br />

compte. En effet, la dynamique <strong>de</strong>s grands cycles biogéochimiques, la formation<br />

<strong>de</strong>s services écologiques, sont <strong>de</strong>s processus s’inscrivant dans <strong>de</strong>s pas <strong>de</strong> temps<br />

parfois très longs : l’énergie fossile ou les ressources <strong>de</strong> calcaire ou <strong>de</strong> minerais<br />

que nous exploitons aujourd’hui se sont formées il y a <strong>de</strong>s dizaines, voire <strong>de</strong>s<br />

centaines <strong>de</strong> millions d’années. A l’inverse, même en intégrant <strong>de</strong>s préoccupations<br />

<strong>de</strong> rotation <strong>de</strong>s cultures, l’agronomie va viser une optimisation <strong>de</strong> la<br />

production sur une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> quelques années et la pratique <strong>de</strong>s forestiers,<br />

raisonnant leurs activités à l’échelle du siècle, est perçue comme la limite <strong>de</strong><br />

l’anticipation possible.<br />

C’est pourquoi, la publication en 1997, dans une revue scientifique prestigieuse<br />

144 , d’un groupe d’économistes <strong>de</strong> l’environnement, puis la parution en<br />

2005 du rapport du « Millenium Ecosystem Assessment » 145 montrant, avec <strong>de</strong>s<br />

métho<strong>de</strong>s d’estimation sans doute discutables, que la valeur économique <strong>de</strong>s biens<br />

non-marchands produits par les écosystèmes était très largement supérieure à celle<br />

<strong>de</strong> leurs biens marchands et que, en outre, la « mise en valeur » d’écosystèmes<br />

naturels (transformation d’une forêt primaire par la sylviculture, aquaculture <strong>de</strong><br />

crevettes en zone <strong>de</strong> mangrove…) se traduisait par une diminution <strong>de</strong> la valeur<br />

totale <strong>de</strong>s biens qu’ils produisaient, a eu un effet déstabilisant considérable sur<br />

la vision « productiviste » <strong>de</strong>s sciences agronomiques.<br />

Dernier exemple <strong>de</strong> ce clivage entre écologues et agronomes, celui <strong>de</strong>s<br />

« variables <strong>de</strong> forçage » <strong>de</strong>s agrosystèmes. Le fait que le développement <strong>de</strong>s<br />

sciences agronomiques se soit fait dans un contexte <strong>de</strong> réduction accélérée du<br />

coût <strong>de</strong> l’énergie 146 et d’une augmentation concomitante <strong>de</strong> la rémunération du<br />

travail humain 147 a fait que le recours massif à une énergie fossile bon marché,<br />

sous ses différentes formes (engrais, mécanisation, irrigation, séchage…) a été<br />

le principal facteur d’augmentation <strong>de</strong> la productivité <strong>de</strong>s agrosystèmes. Cette<br />

vision « énergétique » a conduit à négliger l’approche « informationnelle »<br />

proposée par l’écologie, prenant en compte les multiples signaux (visuels,<br />

tactiles, chimiques) qui circulent entre individus d’une même espèce ou d’espèces<br />

différentes et qui permettent à un écosystème <strong>de</strong> s’adapter à <strong>de</strong>s perturbations,<br />

attaque par un ravageur, évènements climatiques extrêmes, introduction d’une<br />

nouvelle espèce. Ainsi, le fait qu’une plante sur laquelle vient pondre un insecte<br />

144 Robert Costanza, et alii, 1997. « The value of the world’s ecosystem services and natural capital » Nature, 387.<br />

145 Voir http://www.milleniumassessment.org/<br />

146 Selon l’ASPO (Association pour l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s pics <strong>de</strong> production <strong>de</strong> pétrole et <strong>de</strong> gaz naturel, www.aspofrance.org), le prix actualisé<br />

(en dollars 2003) du baril <strong>de</strong> pétrole brut est passé <strong>de</strong> 90 dollars en 1860 à moins <strong>de</strong> 20 dollars dès le début du XX e siècle, puis<br />

aux environs <strong>de</strong> 10 dollars à l’aube du choc pétrolier <strong>de</strong>s années 70-80. En comparaison, les huiles <strong>de</strong> baleine et <strong>de</strong> cachalot ont<br />

varié entre 500 et 2 000 dollars le baril (toujours en prix actualisé) au cours du 19e siècle. Lors <strong>de</strong> l’introduction du pétrole brut,<br />

son prix était d’emblée 15 fois inférieur à celui <strong>de</strong> ces premiers « biocarburants », utilisés essentiellement pour l’éclairage.<br />

147 On peut par exemple calculer que le coût <strong>de</strong> l’énergie d’origine humaine, qui a été à la base <strong>de</strong> tous les systèmes agricoles et l’est<br />

encore dans la majorité <strong>de</strong>s pays, serait aujourd’hui, dans les pays occi<strong>de</strong>ntaux, plus <strong>de</strong> 100 fois supérieur à celui <strong>de</strong> l’énergie fossile :<br />

un Kilowattheure « fossile » coûte environ 0,1 euro alors que sa production rémunérée par l’homme reviendrait à 30 à 40 euros.<br />

<strong>Les</strong> <strong>défis</strong> <strong>de</strong> l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!