Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

54
Les défis de l’agriculture mondiale
d’ordinateurs plus puissants. Par rapport au réchauffement moyen de la planète,
l’élévation de température sera plus marquée sur les continents et aux latitudes
nord élevées. Dans l’Arctique, la température pourrait même, à la fin de ce siècle,
dépasser de 6 °C – voire de 8 °C – celle enregistrée à la fin du XX e siècle.
Le compte à rebours est engagé
Effectivement, présentée en ces termes, l’heure est très grave. Nous aurons
compris que nous devons être tous vent debout pour combattre notre ennemi
le gaz carbonique, principal gaz incriminé dans le changement climatique.
Le problème est que précisément cet ennemi est terriblement sournois, il est
chevillé à notre corps, à notre voiture, notre maison, nos ordinateurs, nos
légumes, nos vêtements. Bref par le truchement de l’énergie produite pour
nous déplacer, nous chauffer ou nous refroidir, nous nourrir, nous vêtir, nous
distraire, et ainsi de suite, il est absolument partout.
Une idée simpliste pourrait jaillir de nos esprits : faisons un effort,
diminuons les émissions de gaz à effet de serre et de gaz carbonique dans
l’atmosphère et tout redeviendra comme avant. Ceci est incontestablement une
idée séduisante sauf qu’elle est (malheureusement) complètement irréaliste. Ce
changement climatique qui est en route est installé pour très très longtemps,
il répond à une série de paramètres intimement imbriqués sur lesquels nous
avons une marge de manœuvre extrêmement étroite. Les gaz à effet de serre,
dont le gaz carbonique, ont en effet une durée de vie très longue et mettent
beaucoup de temps à se dissoudre dans l’atmosphère.
Le changement climatique est un problème systémique; c’est-à-dire qu’il ne
peut être appréhendé uniquement sur son versant technique dans un laboratoire
de recherche et solutionné par une poignée d’ingénieurs géniaux, qui auraient
enfin trouvé une source d’énergie propre et abondante, mettant l’humanité
entière sur les rails d’un nouvel âge d’or. Le changement climatique relève à la
fois du domaine de la technique, des politiques publiques, de la coopération
internationale, de la croissance économique, des instruments financiers, des
modes de production collectifs, du nombre d’individus sur terre et de leur
modes de consommation individuels, du bouleversement des écosystèmes et
de leurs capacités de régulation, etc.
Dans cette mission impossible qui nous est assignée, ce qui pourrait bien
nous faire défaut est non pas l’intelligence humaine et notre capacité à inventer
de nouvelles techniques. Il y aura immanquablement des inventions extraordinaires,
notamment sur le front des nouvelles sources d’énergie. Non, assurément,
ce n’est aucunement l’inventivité humaine qui est en cause. Ce qui va nous
manquer, c’est tout simplement du temps pour y parvenir, tant notre prise de
conscience est tardive face à une conjonction de phénomènes convergents.
Les défis de l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA