Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

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Les défis de l’agriculture mondiale
revanche sociale dans lesquelles l’action se déroule. Cependant, on peut imaginer
des formules permettant une redistribution échelonnée dans le temps, dans un
climat politique apaisé, conciliant le processus d’apprentissage nécessaire pour
ceux qui acquièrent de la terre avec l’acceptation progressive de céder des terres
de la part des propriétaires, en utilisant des mécanismes financiers nouveaux
permettant aux différentes parties d’être gagnantes à la fin du processus. Pour
des raisons politiques, la réflexion économique sur ces sujets a été absente
depuis au moins deux décennies pendant lesquelles la pauvreté des « sans
terre » et des « presque sans terre » s’est accentuée provoquant éventuellement
des radicalisations politiques potentiellement difficiles à gérer.
La mise en place des infrastructures écologiques
nécessaires à la réhabilitation des écosystèmes
Les agricultures pauvres n’ont généralement pas d’autre possibilité pour leur
développement que de consommer en partie le capital naturel. C’est ce qui se
passe lorsque les agriculteurs sont amenés à déforester pour survivre ou mettre
en culture des terres de parcs et réserves de faune sauvage. Si le mouvement
est massif, il peut en résulter un processus de désertification, d’érosion, avec
destruction de biodiversité. Dans les régions de fronts pionniers, ces processus
peuvent être rapides. Mais il ne faut pas oublier que les principaux fronts
pionniers dans le monde ne sont pas le fait des pauvres, mais de très grandes
exploitations consommatrices d’espace et destructrices des écosystèmes souvent
de manière accélérée et catastrophique. Une bonne partie de l’avenir écologique
de la planète se joue dans ces régions de fronts pionniers. La vague démographique
et la vague des besoins alimentaires pourraient très bien y entraîner une
course à la terre et une accélération de la destruction des écosystèmes. Il est donc
indispensable d’encadrer et de contrôler les mécanismes de colonisation de ces
espaces de conquête. Il s’agit pourtant là d’une des tâches les plus difficiles que
l’on puisse imaginer pour des gouvernements qui sont souvent faibles. Ce sont
en effet des régions où la loi et l’ordre n’existent pas, et où comptent avant tout
les rapports de force et le pouvoir des armes. Pourtant la définition de plans et
de normes de colonisation à caractère légal, l’utilisation systématique d’images
satellite de surveillance, la mise en place d’administrations fortes appuyée
par une police et une justice omniprésentes, sont des conditions absolument
nécessaires pour éviter le gaspillage rapide de la forêt tropicale 174 .
Dans les régions où l’agriculture est installée de plus longue date, le
changement des comportements pour que soient gérées les ressources naturelles
d’une manière plus durable n’est pas non plus une affaire facile. Par exemple,
l’excès de pompage dans les nappes phréatiques est souvent dû à la somme des
comportements individuels et à l’absence de règles d’accès à la ressource en
174 On abat actuellement 140 000 Km 2 de forêt par an, l’équivalent de la superficie de la Grèce, et on n’en replante que la moitié !
Les défis de l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA