Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

Les capitaux du développement durable
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Pour un développement du capital humain
Seconde proposition de ce que nous avons appelé « l’agronomie intégrale »,
resocialiser la recherche agronomique, à travers une nouvelle vision des liens
possibles entre experts et profanes pour construire les savoirs de demain. Cette
nouvelle vision s’attache à briser la spécialisation forte qui s’est progressivement
opérée entre les « producteurs » et les « utilisateurs » de l’innovation et à mettre
en place des « écosystèmes innovants » (on parle parfois d’écologie de l’innovation)
au sein desquels l’ensemble des acteurs sont partie prenante de processus
d’innovation.
Cette démarche de resocialisation ne concerne d’ailleurs pas seulement les
pratiques de recherche mais l’ensemble des liens qui existent entre les systèmes
de production alimentaire – de la fourche à la fourchette selon l’expression
consacrée – et les consommateurs. Car, entre la fourche de l’agriculteur et la
fourchette du mangeur, il y a le cerveau du citoyen-consommateur et toutes ses
représentations. La maxime de Claude Levi-Strauss que nous avons rappelée
« Pour qu’un aliment soit bon à manger, il faut qu’il soit bon à penser » reste
donc d’une totale actualité.
En termes de développement durable, il s’agit donc de renforcer le capital
humain dans sa dimension individuel (les connaissances, les savoir-faire) et
collective (les capacités à innover, à échanger).
Des propositions utopiques ?
Mais peut-on effectivement proposer de développer les capitaux écologiques
et humains sans handicaper, comme nous l’avons évoqué en introduction, la
nécessaire croissance économique ? En effet, si les trois capitaux du développement
durable sont effectivement substituables – on peut en effet puiser dans le capital
économique pour développer l’éducation ou les infrastructures écologiques – on
raisonne souvent implicitement comme si ces transferts se réalisaient, au moins
dans un premier temps, à somme totale constante. Autrement dit, le capital
« donneur » sera forcément amoindri au profit du capital « receveur ».
Pour s’en convaincre, il est intéressant de rappeler les principales options
politiques qui s’expriment autour du développement durable. Indiquons
cependant que ces trois options, qui sont souvent présentées comme exclusives et
idéologiquement opposées, ne sont à notre avis que les extrêmes d’un continuum
de possibilités de gestion des trois capitaux.
La première option est celle qualifiée de « durabilité faible ». Elle considère
qu’il faut continuer à admettre que les trois capitaux sont substituables et qu’il y
aura développement dès lors que le cumul des trois capitaux demeurera au moins
constant. Il est donc légitime de continuer à puiser dans le capital naturel pour
Les défis de l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA