Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage
Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage
Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
212<br />
<strong>Les</strong> <strong>défis</strong> <strong>de</strong> l’agriculture <strong>mondiale</strong><br />
très peu interactive avec l’agronomie, les interactions éventuelles étant beaucoup<br />
plus sur le mo<strong>de</strong> conflictuel que coopératif, avec par exemple la dénonciation<br />
<strong>de</strong>s méfaits <strong>de</strong> l’agriculture productiviste par les écologistes. Il nous semble donc<br />
important <strong>de</strong> comprendre les raisons <strong>de</strong> ce clivage.<br />
<strong>Les</strong> multiples raisons d’une indifférence mutuelle<br />
Vu du côté <strong>de</strong> l’écologie, le manque d’intérêt pour les « écosystèmes<br />
modifiés » résulte à notre avis <strong>de</strong> plusieurs facteurs :<br />
• Leur biodiversité est relativement faible (et ce phénomène a été en s’accentuant) et leurs<br />
espèces « banales » –et, en outre, souvent introduites et domestiquées– alors<br />
que les écosystèmes naturels, en particulier tropicaux, apparaissent beaucoup<br />
plus attractifs, non seulement pour les systématiciens soucieux <strong>de</strong> poursuivre le<br />
« grand inventaire » <strong>de</strong>s espèces mais également pour <strong>de</strong>s écologistes<br />
cherchant à comprendre les relations multiples, en particulier trophiques 131 ,<br />
entre l’ensemble <strong>de</strong> ces espèces.<br />
• Ils sont considérés comme « loin <strong>de</strong> l’équilibre », les pratiques agricoles (labours,<br />
semis, fertilisation, désherbage…) déstabilisant <strong>de</strong> manière répétitive la<br />
dynamique <strong>de</strong>s biocénoses 132 . Or, l’idée que les écosystèmes naturels étaient,<br />
à l’inverse, <strong>de</strong>s systèmes à l’équilibre ou tendant vers cet état (la notion <strong>de</strong><br />
climax 133 ) a longtemps prévalu, ces états d’équilibre étant en outre considérés<br />
comme <strong>de</strong>s optimums « fonctionnels », résultant <strong>de</strong> coadaptations complexes<br />
entre l’ensemble <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> la biocénose (voir notre conférence sur la<br />
biodiversité).<br />
• Enfin -et c’est peut-être l’élément principal- ils sont « anthropisés 134 », et cette<br />
omniprésence <strong>de</strong> l’homme, considéré comme extérieur à la nature (nous<br />
reviendrons ultérieurement sur ce point <strong>de</strong> vue), suffit à disqualifier ces<br />
systèmes aux yeux d’une science ambitionnant d’étudier les lois régissant le<br />
fonctionnement d’une nature « vierge ».<br />
A ce désintérêt <strong>de</strong>s écologues a répondu une égale indifférence <strong>de</strong>s agronomes<br />
à leur égard. Outre le fait, que nous venons d’évoquer, que l’écologie s’intéressait<br />
à <strong>de</strong>s systèmes exotiques et peu anthropisés qui pouvaient sembler non pertinents<br />
pour la conduite <strong>de</strong>s champs et <strong>de</strong>s pâturages, <strong>de</strong>ux autres facteurs nous semblent<br />
avoir influé sur cette attitu<strong>de</strong>.<br />
Le premier est l’ambition <strong>de</strong>s sciences agronomiques d’apparaître comme <strong>de</strong>s<br />
sciences « dures » et <strong>de</strong> se rapprocher du sommet (ou <strong>de</strong> la base) <strong>de</strong> la fameuse<br />
pyrami<strong>de</strong> d’Auguste Comte, qui faisait dépendre le progrès <strong>de</strong>s sciences du<br />
131 C’est la notion <strong>de</strong> chaîne (ou <strong>de</strong> réseau) alimentaire : qui mange qui et comment, <strong>de</strong> ce fait, circule l’énergie solaire captée par<br />
les plantes dans un écosystème.<br />
132 Ce terme désigne l’ensemble du peuplement vivant (animaux, végétaux, microorganismes) dans un écosystème.<br />
133 Etat d’équilibre stable <strong>de</strong> la biocénose censé caractériser un écosystème non perturbé.<br />
134 C’est-à-dire que l’homme y est présent et influe sur la structure et l’évolution <strong>de</strong> l’écosystème.<br />
<strong>Les</strong> <strong>défis</strong> <strong>de</strong> l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA