Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

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Les défis de l’agriculture mondiale
sente, des énergies fossiles, en recourant notamment à une exploitation accrue
de la productivité des écosystèmes. Cette « crise du moyen terme » peut donc
conduire à reléguer au rang des « postériorités » les enjeux du long terme.
Or, que proposons-nous ? Essentiellement d’explorer deux grandes pistes
d’innovation.
Pour une recapitalisation écologique
Première proposition, davantage fonder – ou plutôt refonder – les pratiques
agronomiques et la production de nos aliments sur la compréhension et l’utilisation
pertinente des ressources de la biodiversité. Cette démarche d’intensification
écologique 177 , se justifie en particulier dans une vision élargie des activités
agricoles au sens large – cultures, élevages, foresterie – et de leurs produits. Selon
cette vision, la production des biens marchands, alimentaires ou non-alimentaires,
est à resituer dans le cadre de l’ensemble des services des écosystèmes, qui
comprennent également de nombreuses « productions » ne faisant pas l’objet
de transactions marchandes, mais qui sont précieuses en termes de biens publics
(épuration des eaux, régulation du climat, conservation des sols, pollinisation,
etc.). Ce cadrage plus large peut parfois révéler ce que nous avons appelé le
« paradoxe de la mise en valeur » 178 des écosystèmes : il apparaît parfois que,
lorsque l’on aménage un écosystème pour en tirer plus de produits commercialisables
(par exemple le développement d’élevage de crevettes dans des zones
côtières tropicales ou l’aménagement de forêts pour favoriser la production de
bois de qualité), la valeur totale des services rendus diminue de manière souvent
considérable. Sans être inéluctable, ce phénomène nous invite à considérer
autrement des milieux comme des friches, des jachères, des zones humides,
apparemment « improductives » mais impliquées en fait dans la production
de services dont la valeur peut se révéler très supérieures à ceux issus des zones
« productives ». Cela signifie donc que les approches fondées sur l’intensification
écologique devront être évaluées et comparées aux approches classiques selon des
critères nouveaux, prenant en compte l’ensemble de ces productions.
Mais cette démarche d’intensification écologique, qui s’inscrira nécessairement
dans la durée, ne sera possible que si les ressources naturelles sur
lesquelles elle se fondera sont préservées, si ce n’est renforcées ou reconstituées.
Or, nous l’avons vu, ces ressources encore très partiellement connues et caractérisées
subissent aujourd’hui une érosion préoccupante. L’enjeu est donc non pas
seulement d’arrêter l’érosion de ce capital mais de recapitaliser. Cette option de
recapitalisation écologique est donc notre première proposition forte.
177 Voir ce volume et également CHEVASSUS-au-LOUIS B., GRIFFON M., 2007. La nouvelle modernité : une agriculture
productive à haute valeur écologique. DEMETER 2008, 7-48.
178 CHEVASSUS-au-LOUIS B., 2008a. La biodiversité : un nouveau regard sur la diversité du vivant. II. Stabilité et utilité. Cahiers
Agricultures, 17, 51-57.
Les défis de l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA