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Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

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Biotechnologies, progrès<br />

149<br />

Un débat multiple :<br />

risque acceptable, place <strong>de</strong> l’homme dans la nature, etc.<br />

On pourrait s’étonner <strong>de</strong> ce que cette contestation du génie génétique dans<br />

l’agriculture et l’alimentation n’ait point son pendant dans la mé<strong>de</strong>cine, qui<br />

pourtant utilise massivement cette technique. C’est tout simplement parce que<br />

la mé<strong>de</strong>cine perdrait aujourd’hui énormément si elle ne pouvait utiliser le génie<br />

génétique. La population le sait ou le sent, et donc l’accepte.<br />

Faisons un détour par la notion <strong>de</strong> « risque acceptable » pour le public. Le<br />

risque est un paramètre qui procè<strong>de</strong> à la fois <strong>de</strong> la réalité et du niveau <strong>de</strong> gravité<br />

<strong>de</strong>s dangers. C’est le produit <strong>de</strong> l’indice <strong>de</strong> sévérité <strong>de</strong>s conséquences néfastes<br />

redoutées d’un phénomène et <strong>de</strong> la fréquence avec laquelle il est susceptible <strong>de</strong><br />

se produire, c’est-à-dire <strong>de</strong> sa probabilité. Il s’agit d’un paramètre mathématique.<br />

Mais pour les gens, le risque acceptable dépend essentiellement <strong>de</strong> l’attente<br />

<strong>de</strong> chacun. En mé<strong>de</strong>cine, lorsque l’on sait que l’on est menacé par le Sida, le<br />

diabète ou la grippe aviaire, on est prêt à accepter <strong>de</strong>s risques médicamenteux,<br />

car on sait très bien que l’abstention thérapeutique est encore bien plus risquée.<br />

En Europe, en revanche, rien <strong>de</strong> tel en ce qui concerne l’alimentation. Nous<br />

ne souffrons pas <strong>de</strong> la sous-nutrition et, à l’inverse, on fait régulièrement état<br />

<strong>de</strong> crises <strong>de</strong> surproduction. L’idée qui domine est que plus les aliments sont<br />

naturels, meilleur c’est. La population française n’est donc <strong>de</strong> ce fait pas prête à<br />

intégrer un risque acceptable en cette matière, vu que, pour ce qui la concerne,<br />

elle n’a rien <strong>de</strong>mandé.<br />

D’un point <strong>de</strong> vue plus philosophique, <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s traditions peuvent<br />

être opposées en ce qui concerne les rapports <strong>de</strong> l’être humain et du reste<br />

<strong>de</strong> la nature. La tradition dominante repose sur l’injonction faite à l’homme<br />

d’utiliser la nature à son profit. Pour <strong>de</strong> très nombreuses religions, l’homme en<br />

a le droit, voire le <strong>de</strong>voir, parce qu’il est homme. Cette croyance valait pour les<br />

Grecs mais aussi, pour l’essentiel, pour les Mésopotamiens et, bien sûr, pour les<br />

religions bibliques. L’homme peut jouir <strong>de</strong> ce privilège parce que, selon la genèse<br />

biblique, il a été créé à l’image <strong>de</strong> Dieu, et est donc dépositaire d’une étincelle<br />

<strong>de</strong> co-divinité.<br />

En face, on trouve <strong>de</strong>s peuples <strong>de</strong> chasseurs/cueilleurs, par exemple en<br />

Amazonie ou chez les Inuits, dont la conception est différente : l’homme ne<br />

jouit d’aucun privilège particulier. Il se doit <strong>de</strong> rester en équilibre avec la Nature<br />

à laquelle il appartient, peuplée d’êtres aussi dignes que lui. Chez les Inuits,<br />

lorsqu’on est amené à tuer son « frère ours », on doit s’en excuser en suivant<br />

tout un rituel dont le but est <strong>de</strong> se faire pardonner ce sacrifice consenti pour<br />

se nourrir et s’habiller. Mais cette conception <strong>de</strong> l’homme en équilibre au sein<br />

<strong>de</strong> la nature, et non pas « maître et possesseur <strong>de</strong> celle-ci » était étrangère à<br />

<strong>Les</strong> <strong>défis</strong> <strong>de</strong> l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA

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