Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage

Le monde pourra-t-il nourrir le monde ?
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Il est incontestable, et j’en fais l’aveu, que la politique agricole qui a été mise
en place en 1961-1962, dont j’ai été l’un des négociateurs les plus importants,
avait pour premier objectif d’offrir à la France un marché européen déficitaire
aux besoins duquel l’agriculture française pouvait répondre. Le premier résultat
positif de la politique agricole commune, telle qu’elle a été définie le 14
janvier 1962, a donc été de favoriser le rééquilibrage de la balance des comptes
française.
L’agriculture en a tiré profit, je ne le nie pas. Mais aux environs des années
1970-72, le dommage a été égal au profit car les excédents étaient tels que le
marché européen à prix garantis était saturé, il a fallu se tourner vers l’extérieur.
La politique agricole commune coûtant de plus en plus cher à la Communauté,
son budget a été coupé.
À partir de 1972, le principe de la subvention au produit est mis en cause
et contesté notamment à l’instigation des Etats-Unis, ce qui pénalise de plus en
plus l’agriculture.
Une gouvernance mondiale
Nous avons besoin d’une Organisation mondiale du commerce, même si
certains de mes propos peuvent faire croire le contraire, à tort. A partir du
moment où les échanges se multiplient à l’échelle mondiale, des règles du jeu
doivent être édictées et respectées.
L’Organisation mondiale du commerce a les instruments juridiques qui lui
permettent de faire respecter ses décisions. Mais je trouve contestable qu’elle
intervienne dans des domaines qui ne sont pas les siens. Par exemple, elle
s’intéresse à la qualité sanitaire des produits mais ce n’est pas son travail. Son
travail, c’est le commerce de produits définis et donnant des garanties mais s’il y
a faute en matière de qualité, il ne lui appartient pas d’intervenir en tant que telle.
La qualité ne peut être vérifiée que par des laboratoires. L’Organisation mondiale
du commerce n’a pas de laboratoires et ne saurait en avoir.
Avant d’aborder le problème de l’Organisation mondiale du commerce,
je voudrais introduire un mot un peu barbare dans notre langue française et
opposer, au point de vue vocabulaire, ce que je vais dire en matière d’organisation
mondiale : je parlerai de « gouvernance » , d’« organisation européenne » et de
« politique ». Ces mots jouent un rôle important dont nous ne sommes pas
toujours conscients.
La gouvernance mondiale doit avoir pour objet de définir des interdits,
des règles du jeu et non pas de gérer leur application, et de sanctionner les
manquements aux règles du jeu. C’est donc un législateur et un juge et non pas
un gestionnaire. Effectivement, il faut des règles du jeu.
Les défis de l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA