Les défis de l'agriculture mondiale - Vintage
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<strong>Les</strong> <strong>défis</strong> <strong>de</strong> l’agriculture <strong>mondiale</strong><br />
biologie « instantanée », cherchant à expliquer un processus biologique donné<br />
(la structure d’un génome, une régulation hormonale…) comme une adaptation<br />
à <strong>de</strong>s contraintes actuelles, alors que ces processus résultent souvent <strong>de</strong> pressions<br />
évolutives passées qui se sont exercées dans <strong>de</strong>s contextes très différents, voire<br />
d’évènements aléatoires qui ont pu fixer à un moment une situation non<br />
nécessairement optimale. Ainsi, les hormones <strong>de</strong> la lactation <strong>de</strong>s mammifères<br />
ont dû d’abord servir à adapter les poissons à <strong>de</strong>s milieux <strong>de</strong> salinité variée, et<br />
c’est sans doute cette fonction ancestrale qu’il faut considérer pour comprendre<br />
leur structure. De même, l’existence chez la quasi-totalité <strong>de</strong>s mammifères<br />
d’un déterminisme du sexe strictement génétique et basé sur la présence ou<br />
non d’un chromosome Y 128 , alors que d’autres groupes comme les poissons et<br />
les amphibiens présentent <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> déterminisme du sexe beaucoup plus<br />
diversifiés, ne peut sans doute pas être interprété comme le choix du système<br />
« optimum » mais plutôt comme un évènement historique contingent remontant<br />
à l’origine <strong>de</strong> ce groupe. Même si le généticien T. Dobzanski, l’un <strong>de</strong>s pères <strong>de</strong><br />
la théorie synthétique <strong>de</strong> l’évolution, proclamait dès le milieu du XX e siècle<br />
« Nothing in Biology makes sense except in the ligth of evolution », il semble que cette<br />
assertion n’ait guère pénétré les sciences agronomiques.<br />
La troisième limite <strong>de</strong> cette réduction apparaît lorsque l’on cherche à<br />
« reconstruire » ou à manipuler un objet complexe à partir <strong>de</strong>s connaissances<br />
acquises sur ces composantes élémentaires jugées les plus pertinentes.<br />
L’exemple <strong>de</strong> la nutrition « synthétique » illustre ce propos : même connus<br />
les besoins élémentaires en aci<strong>de</strong>s aminés, aci<strong>de</strong>s gras, minéraux, il apparaît<br />
que le résultat <strong>de</strong> ces aliments synthétiques peuvent varier gran<strong>de</strong>ment selon la<br />
manière dont ces composés sont réassociés. Des aci<strong>de</strong>s aminés libres n’auront<br />
pas les mêmes effets que s’ils sont administrés sous forme d’oligopepti<strong>de</strong>s, les<br />
minéraux seront plus ou moins assimilables selon les protéines auxquels ils<br />
seront liés, l’apport simultané ou successif <strong>de</strong>s différents intrants conduira à <strong>de</strong>s<br />
résultats différents. Plus récemment, le fait que l’on ne pouvait se contenter <strong>de</strong><br />
considérer un OGM comme la simple addition d’une construction génétique<br />
parfaitement définie et d’un génome « familier » est apparu <strong>de</strong> plus en plus<br />
évi<strong>de</strong>nt et amène à approfondir <strong>de</strong>s questions complexes comme celle <strong>de</strong> la<br />
stabilité du génome face à une perturbation. L’adage selon lequel « le tout est<br />
plus que la somme <strong>de</strong>s parties » se révèle souvent fondé et oblige à considérer<br />
comme une véritable opération <strong>de</strong> recherche la réinsertion d’entités élémentaires<br />
« optimisées » dans un système plus large.<br />
Enfin, cette focalisation sur un aspect restreint d’une réalité complexe<br />
peut conduire à une perception biaisée et à une surestimation <strong>de</strong>s améliorations<br />
réalisées. Pour reprendre la question précé<strong>de</strong>mment évoquée <strong>de</strong> la valeur<br />
128 <strong>Les</strong> individus ayant ce chromosome (XY) sont mâles, les femelles étant XX.<br />
<strong>Les</strong> <strong>défis</strong> <strong>de</strong> l’agriculture au XXI e siècle - Leçons inaugurales du Groupe ESA