ZBORNIK - Matica srpska

L'excellent historien des religions français ignorait qu'il a été
précédé sur le chemin de ses analyses par Natko Nodilo, le grand
érudit dalmate du XIX e siècle. 4 Puisant au premier chef dans les traditions
slaves, riches en survivances, Nodilo avait posé, de son côté,
des jalons d'une méthode comparatiste analogue et abouti à des
conclusions semblables. En particulier au sujet du passage d'une
année à l'autre qui a lieu au cours de cet intervalle de douze jours,
appelée chez les Slaves du Sud Nekršteni Dani ou Gody en vieux
slave de l'ouest. L'étude de Nodilo «Soleil aux douze faces et la
construction de l'année nouvelle» 5 recoupe à plus d'un titre les
exégèses de Dumézil tout en les complétant. Aussi, on regrettera
d'autant plus que l'œuvre du pionnier dalmate en matière du comparatisme
indo-européen est demeurée, pour ainsi dire, lettre morte.
La découverte en 1906 de la capitale hittite sur le haut plateau
anatolien a ouvert, on le sait, plus d'une voie dans les recherches
consacrées aux populations indo-européennes. Riche en archives,
Hattusa a livré en effet des informations à foison et dévoilé, pour
commencer, l'existence d'une langue propre à ce groupe d'ethnies.
Il s'agit plus exactement de trois dialectes apparentés, le hittite, le
louvite et le palaïte, à présent les plus anciennement connus car remontant
au XVII e siècle avant J. Ch. Ainsi, ont-ils donné un nouvel
essor au comparatisme linguistique.
Mais les tablettes de Hattusa et plus récemment celles mises au
jour dans quelques autres villes hittites, 6 nous font découvrir également
un vaste faisceau de coutumes, concepts, croyances, et pratiques
religieuses qui, étant donné leur date haute, se rapprochent le
plus de leur état originel. Malgré une rédaction peu explicite et souvent
allusive, ces documents complètent ou éclairent à plus d'un titre
les données déjà connues dans les traditions plus récentes. On
regrettera dans ces conditions que leur apport, combien précieux, ne
soit pas exploité à juste mesure dans le comparatisme indo-européen.
Le motif des passages associés au nombre douze est encore très
vivant chez les trois tribus indo-européennes d'Anatolie et concerne
les contextes les plus variés. Outre les données écrites, le renouveau
de l'année ou la «fête du début de l'année» connaît aussi une repré-
4 L'œuvre de l'ingénieux érudit dalmate est mise en évidence chez Masson,
Combat, 17—19 et passim.
5 C'est le N° IV de la série de neuf études intitulées Religija (Stara verovanja)
Srba i Hrvata na glavnoj osnovi pjesama, priåa i govora narodnog, I—IX, parues
dans Rad Jugoslavenske akademije znanosti i umjetnosti LXXIX/XII—CI/XXX,
1886—1890.
6 Dévoucertes au cours des derniers lustres, telles Masat-Tapigga, Kusakli-
-Sarissa, et Ortaköy-Sapinuwa situées au nord-est de Hattusa.
145