Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Des couples occupaient la quasi-totalité des boxes ; assis<br />
autour du comptoir circulaire au milieu de la salle, de nombreux<br />
clients buvaient ou mangeaient. Une odeur de hamburger en<br />
train de frire flottait dans l’air, un juke-box s’égosillait dans un<br />
coin.<br />
Comment expliquer qu’il se trouvât tant de monde à<br />
l’intérieur quand le parking était pratiquement désert ?<br />
Comme on ne l’avait pas encore remarqué, semblait-il, il<br />
jugea plus prudent de refermer la porte avant même d’avoir fait<br />
un pas à l’intérieur. Traversant rapidement le parking, il<br />
contourna l’établissement et rejoignit son petit camion.<br />
Trop grand. Trop moderne. Trop éclairé. Trop peuplé.<br />
S’agit-il du stade ultime de mes troubles mentaux ? <strong>La</strong><br />
suspicion à l’égard des gens… des groupes, de l’activité, des<br />
couleurs, de la vie et du bruit humains. Un sentiment pervers<br />
m’exhorte à tout fuir, à rechercher la nuit.<br />
De nouveau plongé dans l’obscurité, il se glissa à tâtons dans<br />
la cabine, mit le moteur en route et, tous feux éteints, fit marche<br />
arrière jusqu’à amener le véhicule face à la route. Dès qu’il le<br />
put, il s’engagea sur la voie de droite. Comme auparavant, le<br />
voici qui s’éloignait de la ville au volant d’un camion qui ne lui<br />
appartenait pas. <strong>La</strong> propriété d’un pompiste qu’il venait de voir<br />
pour la première fois. Il était en train de voler ce camion, et il en<br />
était conscient. Mais que pouvait-il faire d’autre ?<br />
Je sais qu’ils conspirent contre moi, se répétait-il. Les deux<br />
soldats tout comme le pompiste. Je suis victime d’un complot<br />
impliquant également la station d’autocars, et le chauffeur de<br />
taxi. Tout le monde. Je ne puis faire confiance à personne ; ils<br />
m’ont envoyé avec ce camion pour que je me fasse pincer par le<br />
premier motard venu. Il y a des chances pour que l’arrière du<br />
camion s’allume et qu’il y ait marqué dessus ESPION RUSSE.<br />
Une espèce de « frappez-moi » paranoïaque.<br />
Oui, je suis l’homme sur le dos duquel est épinglé FRAPPEZ-<br />
MOI. Il a beau essayer de tourner sur lui-même, impossible de<br />
voir l’inscription – mais son intuition lui dit qu’elle s’y trouve. Il<br />
observe les gens, les juge et en tire sa conclusion. Il devine la<br />
présence de l’inscription dans son dos car il les voit s’aligner<br />
pour le frapper.<br />
- 124 -