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La Gazette

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l’exclamation. « Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est ? Oh !…<br />

c’est chaud. »<br />

<strong>La</strong> voix jeune et assurée de Bill Black : « Des lasagnes. Faites<br />

bouillir de l’eau… »<br />

« Je vais préparer du café express », dit Junie en se dirigeant<br />

vers la cuisine avec son plat italien dans un récipient de carton.<br />

<strong>La</strong> barbe, songea Ragle. Plus question de travailler ce soir.<br />

Pourquoi faut-il que chaque fois qu’ils ont une nouvelle<br />

toquade, ils se ramènent ici ? Ils ne connaissent donc personne<br />

d’autre ?<br />

Cette semaine, c’est l’espresso. Pour accompagner la grande<br />

folie de la semaine dernière, les lasagnes. De toute façon, ça va<br />

bien ensemble. En fait, c’est sûrement très bon… Cela dit, il ne<br />

s’était jamais fait au café italien amer et fort, auquel il trouvait<br />

un goût de brûlé.<br />

Bill Black apparut et fit plaisamment : « Salut, Ragle. Salut,<br />

Vie. » Il portait le complet type association d’étudiants qu’il se<br />

plaisait à exhiber en ce moment. Col boutonné, pantalon étroit…<br />

et bien entendu la coupe de cheveux. Une coupe sans style qui,<br />

pour Ragle, évoquait avant toute chose l’armée. L’explication<br />

résidait peut-être là : les jeunes fonceurs empressés comme Bill<br />

Black voulaient paraître enrégimentés, faisant partie d’une<br />

machine colossale. En un sens, c’était le cas. Ils occupaient tous<br />

des postes secondaires qui faisaient d’eux les fonctionnaires de<br />

diverses organisations. Pour prendre un exemple, il suffisait de<br />

regarder Bill Black, qui travaillait pour la ville, au service des<br />

eaux. Chaque jour, il laissait sa voiture et partait à pied, d’un<br />

pas optimiste. Bill Black avait l’air d’une asperge dans son<br />

complet à veston droit, qui défiait naturel et logique tant il était<br />

serré. Et démodé, rajouta ensuite Ragle. <strong>La</strong> brève renaissance<br />

d’un style archaïque dans l’habillement masculin… en voyant<br />

Bill Black partir chaque matin et rentrer chaque soir, il avait<br />

l’impression de suivre un vieux film. D’autant plus que Black<br />

marchait d’un pas saccadé et trop rapide. Et même sa voix, se<br />

dit Ragle, était accélérée. Trop haute. Perçante.<br />

Mais il arriverait à quelque chose – Ragle le savait. Ce qu’il y<br />

a de bizarre dans ce monde, c’est qu’un jeune loup sans idées<br />

originales qui imite ses supérieurs jusqu’au nœud de cravate et<br />

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