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PRÉFACE. xix
au rebours du nôtre, et dont les bizarreries pourraient faire
naître des idées dangereuses dans l'esprit des novateurs
qui cherchent volontiers dans la nature des modèles pour
les unions dans les sociétés humaines. Lorsqu'au printemps,
lecteur, vous rencontrerez sous vos pas dans l'herbe
ou dans la mousse ces charmantes touffes de Primula veris,
que les enfants de nos villages nomment pain de
coucou, gardez-vous de sonder d'un regard indiscret ces
corolles fraîches écloses, elles auraient à vous révéler des
mœurs aussi étranges que celles de l'oiseau qui paraît
comme elle en cette jeune saison, et dont le nom leur a
été donné. Il y a là des ménages où tout semblait harmonieusement
réglé, malgré les inégalités des facteurs de la
reproduction. Ici un cercle d'étamines de petite taille est
dominé par l'organe qui renferme les germes qu'elles semblent
appelées à féconder ; ailleurs, ce sont les mâles qui
surpassent d'humbles gynécées. A part ces inégalités dans
la répartition de la domination, inégalités qui se voient
bien ailleurs et n'empêchent ni les bons rapports, ni la
fécondité, tout semblait pour le mieux dans les plus parfaites.des
fleurs. C'était une illusion : lès oppositions les
plus radicales, les antipathies les plus profondes habitent
ces corolles paisibles. Ces étamines et ces pistils, ainsi
rapprochés les uns des autres dans une intimité qui semblait
légitimée par les apparences de leur appropriation à
un but déterminé, sont des étrangers les uns pour les autres,
en dépit ou mieux à-cause de leur intime consanguinité.
La stérilité de leur groupement n'a parfois d'égale que
celle du couple Siamois ou du couple Millie. Leur descendance,
quand elle" se produit, est frappée de stérilité comme
celle des hybrides. Ch. Darwin n'a donc pas eu tort de
nommer illégitimes ces unions qui nous avaient paru si
régulières jusqu'ici, et d'appeler légitimes les rapports