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261 PLANTES HÉTÉROSTYLÉES, CHAP. VI.
Lorsque je commençai à expérimenter sur les plantes
hétérostylées, j'étais sous l'impression de cette croyance
qu'elles tendent vers l'état dioïque, mais je ne tardai
pas à être forcé d'abandonner cette opinion lorsque j'eus
constaté que Tes plantes dolichostylées de Primula qui,
avec leur pistil plus long, leur stigmate plus grand, leurs
étamines plus courtes et leurs grains polliniques plus
petits, paraissent constituer la .plus féminine des deux
formes, donnent moins de semences que les plantes brachystylées
qui semblent, à tous égards, être les plus masculines.
Du reste, les plantes trimorphes entrent évidemment
dans la même catégorie que les dimorphes, et les
premières ne sauraient être considérées comme ayant une
tendance vers la dioïcité. Dans Lythrum Salicaria, cependant,
nous nous trouvons en face de ce cas curieux et
unique d'une forme mésostylée de nature plus féminine ou
moins masculine que les deux autres. C'est ce que montre,
en effet, le grand nombre de semences qu'elle donne après
fécondation quelconque et même par son propre pollen (dont
les grains sont plus petits que ceux des étamines correspondantes
dans les deux autres formes) quand il est appliqué
sur le stigmate de toute forme produisant des semences en
plus petite quantité que le chiffre normal. Si nous supposons
que le processus dégradatif continue son action sur les organes
mâles de la forme mésostylée, le résultat final sera la
production d'une plante femelle, et Lythrum Salicaria
consistera alors en deux hermaphrodites hétérostylés et
en une femelle. On ne connaît aucun cas de ce genre, mais
l'existence est admissible, puisque les formes hermaphrodites
et femelles ne sont pas rares dans la même espèce.
Bien qu'il n'y ait aucune raison de croire que les plantes
hétérostylées puissent être régulièrement dioïques, cependant
elles présentent de singulières facilités, comme nous le
verrons par la suite, pour une semblable conversion, et, selon
toute apparence, elle a dû se produire occasionnellement.