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PRÉFACE. xxxv
que le but incontestable et net des appropriations le frappe
davantage.
Mais laissons ces points noirs ; assez de lumières ont été
faites sur ce monde des fleurs, nous ne le quittons qu'à
regret. Que lui manque-t-il, en effet, pour nous retenir
par toutes les fibres de l'émotion ? Son silence même semble
préparer l'esprit à le comprendre et à l'admirer. Ce n'était
pas assez qu'un grand art y eût prodigué sans réserve les
élégances de la forme, la délicatesse des tissus, l'éblouissement
des teintes, la suavité des parfums ; ce n'était pas
assez que tout climat, tout rivage, toute latitude, toute
altitude, aient eu leur part distincte, taillée dans cette
pourpre royale, jetée d'un pôle à l'autre sur la nudité terrestre.
Ce n'était pas assez : l'intelligence y trouve des
prodiges d'intelligence, des procédés supérieurs à ceux de
l'humaine sagacité, des adaptations qui renversent. Chacun
de ces atomes, grains de pollen que le vent soulève,
ou que l'insecte emporte, a sa structure, son appropriation
et aussi ses mystères. Pas un détail de ces calices, pas un
pli de ces corolles qui ne soit nécessaire. Dans ces fleurs
qui se penchent ou se dressent, dans ces pistils curieux ou
craintifs qui, pour voir le monde, sortent la tête des corolles,
ou la rentrent dans leurs abris, tout est mesuré,
étonnamment mesuré. Telle lacune couvre une idée, tel
oubli révèle une prévoyance délicate, tel désordre la plus
haute sagesse.
Quand on ouvre les livres de Ch. Darwin au passage
où il nous apprend que trente-sept années ont été consacrées
à ces recherches, on reste surpris de tant de persévérance.
Cet étonnement, quand on a tout lu, disparaît
complètement. On sent qu'on ne s'engage pas impunément
dans ces féeriques régions, véritables édens de l'observa-