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c’était son fils, son pauvre p<strong>et</strong>it enfant qui lui faisait autrefois<br />

repiquer des salades, ce fort garçon barbu dont la volonté<br />

s’affirmait !<br />

Et pendant trois mois Paul ne vint voir ses parents que de<br />

temps en temps, toujours hanté d’un désir évident de repartir<br />

au plus vite, cherchant chaque soir à gagner une heure. Jeanne<br />

s’effrayait, <strong>et</strong> le baron sans cesse la consolait répétant : « Laissele<br />

faire ; il a vingt ans, ce garçon. »<br />

Mais, un matin, un <strong>vie</strong>il homme assez mal vêtu demanda<br />

en français d’Allemagne : « Matame la vicomtesse. » Et, après<br />

beaucoup de saluts cérémonieux, il tira de sa poche un<br />

portefeuille sordide en déclarant : « Ché un bétit bapier bour<br />

fous », <strong>et</strong> il tendit, en le dépliant, un morceau de papier<br />

graisseux. Elle lut, relut, regarda le Juif, relut encore <strong>et</strong><br />

demanda : « Qu’est-ce que cela veut dire ? »<br />

L’homme, obséquieux, expliqua : « Ché fé fous tire. Votre<br />

fils il afé pesoin d’un peu d’archent, <strong>et</strong> comme ché safais que<br />

fous êtes une ponne mère, che lui prêté quelque b<strong>et</strong>ite chose<br />

bour son pesoin. »<br />

Elle tremblait. « Mais pourquoi ne m’en a-t-il pas demandé<br />

à moi ? » Le Juif expliqua longuement qu’il s’agissait d’une<br />

d<strong>et</strong>te de jeu devant être payée le lendemain avant midi, que Paul<br />

n’étant pas encore majeur, personne ne lui aurait rien prêté <strong>et</strong><br />

que son « honneur été gombromise » sans le « bétit service<br />

obligeant » qu’il avait rendu à ce jeune homme.<br />

Jeanne voulait appeler le baron, mais elle ne pouvait se<br />

lever tant l’émotion la paralysait. Enfin elle dit à l’usurier :<br />

« Voulez-vous avoir la complaisance de sonner ? »<br />

– 230 –

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