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L’hiver s’avançait ; <strong>et</strong> Jeanne se sentait envahie par une<br />

invincible désespérance. Ce n’était pas une de ces douleurs<br />

aiguës qui semblent tordre l’âme, mais une morne <strong>et</strong> lugubre<br />

tristesse.<br />

Aucune distraction ne la réveillait. Personne ne s’occupait<br />

d’elle. La grand-route devant sa porte se déroulait à droite <strong>et</strong> à<br />

gauche presque toujours vide. De temps en temps un tilbury<br />

passait au trot, conduit par un homme à figure rouge dont la<br />

blouse, gonflée au vent de la course, faisait une sorte de ballon<br />

bleu ; parfois c’était une charr<strong>et</strong>te lente, ou bien on voyait venir<br />

de loin deux paysans, l’homme <strong>et</strong> la femme, tout p<strong>et</strong>its à<br />

l’horizon, puis grandissant, puis, quand ils avaient dépassé la<br />

maison, rediminuant, devenant gros comme deux insectes, làbas,<br />

tout au bout de la ligne blanche qui s’allongeait à perte de<br />

vue, montant <strong>et</strong> descendant selon les molles ondulations du sol.<br />

Quand l’herbe se remit à pousser, une fill<strong>et</strong>te en jupe<br />

courte passait tous les matins devant la barrière, conduisant<br />

deux vaches maigres qui broutaient le long des fossés de la<br />

route. Elle revenait le soir, de la même allure endormie, faisant<br />

un pas toutes les dix minutes derrière ses bêtes.<br />

Jeanne, chaque nuit, rêvait qu’elle habitait encore les<br />

Peuples.<br />

Elle s’y r<strong>et</strong>rouvait comme autrefois avec père <strong>et</strong> p<strong>et</strong>ite<br />

mère, <strong>et</strong> parfois même avec tante Lison. Elle refaisait des choses<br />

oubliées <strong>et</strong> finies, s’imaginait soutenir M me Adélaïde voyageant<br />

dans son allée. Et chaque réveil était suivi de larmes.<br />

Elle pensait toujours à Paul, se demandant : « Que fait-il ?<br />

Comment est-il maintenant ? Songe-t-il à moi quelquefois ? »<br />

En se promenant lentement dans les chemins creux entre les<br />

fermes, elle roulait dans sa tête toutes ces idées qui la<br />

martyrisaient ; mais elle souffrait surtout d’une jalousie<br />

– 259 –

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