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que personne s’en aperçût, il dit, oui certes, il dit très<br />

distinctement : « Oh ! Jeanne, si vous vouliez, ce seraient nos<br />

fiançailles. »<br />

Elle baissa la tête d’un mouvement très lent qui peut-être<br />

voulait dire « oui ». Et le prêtre qui j<strong>et</strong>ait encore de l’eau bénite<br />

leur en envoya quelques gouttes sur les doigts.<br />

C’était fini. Les femmes se relevaient. Le r<strong>et</strong>our fut une<br />

débandade. La croix, entre les mains de l’enfant de chœur, avait<br />

perdu sa dignité ; elle filait vite, oscillant de droite à gauche, ou<br />

bien penchée en avant, prête à tomber sur le nez. Le curé, qui ne<br />

priait plus, galopait derrière ; les chantres <strong>et</strong> le serpent avaient<br />

disparu par une ruelle pour être plus tôt déshabillés, <strong>et</strong> les<br />

matelots, par groupes, se hâtaient. <strong>Une</strong> même pensée, qui<br />

m<strong>et</strong>tait en leur tête comme une odeur de cuisine, allongeait les<br />

jambes, mouillait les bouches de salive, descendait jusqu’au<br />

fond des ventres où elle faisait chanter les boyaux.<br />

Un bon déjeuner les attendait aux Peuples.<br />

La grande table était mise dans la cour sous les pommiers.<br />

Soixante personnes y prirent place : marins <strong>et</strong> paysans. La<br />

baronne, au centre, avait à ses côtés les deux curés, celui d’Yport<br />

<strong>et</strong> celui des Peuples. Le baron, en face, était flanqué du maire <strong>et</strong><br />

de sa femme, maigre campagnarde déjà <strong>vie</strong>ille, qui adressait de<br />

tous les côtés une multitude de p<strong>et</strong>its saluts. Elle avait une<br />

figure étroite serrée dans son grand bonn<strong>et</strong> normand, une vraie<br />

tête de poule à huppe blanche, avec un œil tout rond <strong>et</strong> toujours<br />

étonné ; <strong>et</strong> elle mangeait par p<strong>et</strong>its coups rapides comme si elle<br />

eût picoté son assi<strong>et</strong>te avec son nez.<br />

Jeanne, à côté du parrain, voyageait dans le bonheur. Elle<br />

ne voyait plus rien, ne savait plus rien, <strong>et</strong> se taisait, la tête<br />

brouillée de joie.<br />

– 48 –

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