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L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat

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L’administration Foncière Urbaine<br />

Conventionnelle et Ses Limites<br />

L’accès au foncier urbain, à l’enregistrement <strong>de</strong>s titres ou à la<br />

régularisation <strong>de</strong> la tenure passe invariablement par <strong>de</strong>s procédures<br />

administratives extrêmement pesantes qui peuvent se prolonger<br />

jusqu’à <strong>de</strong>ux ans et font intervenir un grand nombre <strong>de</strong> services.<br />

Au Nigeria, par exemple, toute personne désireuse d’acquérir un<br />

terrain officiellement enregistré et libre <strong>de</strong> tout litige doit remplir<br />

21 procédures qui peuvent prendre 274 jours en moyenne, et payer<br />

<strong>de</strong>s droits se montant à 27 pour cent <strong>de</strong> la valeur du bien (World<br />

Bank, 2004). A Dakar, avant la simplification <strong>de</strong> la procédure en<br />

1993, l’octroi <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> propriété se faisait en 44 étapes faisant<br />

intervenir 12 processus distincts auprès <strong>de</strong>s administrations locales<br />

et centrales, et cela résultait déjà d’une première simplification <strong>de</strong>s<br />

procédures. En 2005, seuls 25 pour cent <strong>de</strong>s ménages ayant droit à la<br />

régularisation <strong>de</strong> la tenure dans l’établissement informel <strong>de</strong> Dalifort<br />

s’étaient vu octroyer <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> propriété. La ville <strong>de</strong> Pikine, dans<br />

la Région métropolitaine <strong>de</strong> Dakar, compte 870 000 habitants, mais<br />

le service local du cadastre ne peut traiter que 3 600 enregistrements,<br />

cessions et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> lotissement par an (ILD, 2009).<br />

Au Burkina Faso, la conversion <strong>de</strong> “temporaire” à “permanent”<br />

d’un permis administratif, ou en bail emphytéotique, se heurte à<br />

<strong>de</strong> nombreux obstacles. Vestige lointain d’un contrôle étatique hors<br />

d’âge, le processus <strong>de</strong> conversion peut prendre jusqu’à un an et <strong>de</strong>mi<br />

et exige <strong>de</strong> nombreuses démarches. On peut y voir aussi, <strong>de</strong> manière<br />

plus brutale, une manœuvre d’obstruction délibérée à la régularisation<br />

<strong>de</strong> la tenure <strong>de</strong> la part d’instances d’administration foncières<br />

soucieuses <strong>de</strong> faciliter la corruption et autres “encouragements”<br />

<strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs. L’attribution <strong>de</strong> droits <strong>de</strong> propriété<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> habituellement une évaluation cas par cas. La longueur et<br />

les “coûts” <strong>de</strong> ces procédures découragent la formalisation <strong>de</strong>s droits<br />

<strong>de</strong> propriété, ce qui a <strong>de</strong> sérieuses répercussions sur les marchés<br />

immobiliers. Les autres grands obstacles au développement du<br />

marché foncier officiel sont notamment le quasi-monopole <strong>de</strong> l’Etat<br />

sur le foncier, la faiblesse <strong>de</strong> l’administration foncière, <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong><br />

marché inadaptées, le manque <strong>de</strong> transparence et une administration<br />

foncière corrompue.<br />

Au Nigeria, la loi <strong>de</strong> 1978 sur l’utilisation <strong>de</strong>s sols a donné au<br />

gouverneur <strong>de</strong> chaque Etat la maîtrise et la gestion du foncier urbain<br />

à travers les certificats d’occupation, alors que les collectivités locales<br />

peuvent octroyer <strong>de</strong>s droits d’occupation pour l’agriculture et autres<br />

utilisations. En dépit <strong>de</strong> cette législation (ou peut-être à cause d’elle),<br />

les entreprises et individus désireux d’acquérir <strong>de</strong>s terrains urbains<br />

se trouvent toujours en butte à divers obstacles, notamment du<br />

fait que l’expansion spectaculaire du secteur <strong>de</strong>s hydrocarbures et<br />

<strong>de</strong> la démographie se sont suivies <strong>de</strong> peu. La nouvelle législation a<br />

encouragé la spéculation foncière, surtout combinée avec l’approche<br />

conventionnelle <strong>de</strong> la planification <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong>s sols qui<br />

a prévalu dans les plus gran<strong>de</strong>s villes du pays, dont Aba, Enugu,<br />

Kaduna, Lagos et Port-Harcourt.<br />

Dans toutes les villes d’Afrique <strong>de</strong> l’Ouest francophone, les<br />

règles d’urbanisme et les normes <strong>de</strong> construction font obstacle au<br />

développement <strong>de</strong> marchés fonciers et <strong>de</strong> l’habitat en bonne et due<br />

forme. La situation se trouve aggravée par trois facteurs qui entravent<br />

le développement du crédit-logement:<br />

• Le secteur officiel <strong>de</strong> l’aménagement foncier et immobilier est<br />

encore presque embryonnaire, avec <strong>de</strong>s capacités <strong>de</strong> production<br />

limitées;<br />

• Le prix <strong>de</strong>s aménagements privés est fixé très au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s<br />

moyens <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s ménages; et<br />

• La sécurité <strong>de</strong> la tenure qui s’attache à un grand nombre <strong>de</strong><br />

parcelles est si défectueuse que celles-ci ne peuvent pas servir <strong>de</strong><br />

gage en bonne et due forme pour garantir un prêt bancaire.<br />

Au Burkina Faso, par exemple, les prêts au logement ne se sont<br />

montés qu’à 0.5 pour cent du produit intérieur brut (PIB) en<br />

2004. Des proportions du même ordre se retrouvent au Ghana et<br />

au Nigeria. Le Sénégal et le Mali font beaucoup mieux avec <strong>de</strong>s<br />

montants équivalents à 20 pour cent. 5 Le sous-développement <strong>de</strong> ce<br />

type <strong>de</strong> service reflète la situation générale <strong>de</strong> l’économie <strong>de</strong> ces pays,<br />

avec leurs taux élevés <strong>de</strong> pauvreté et d’analphabétisme.<br />

Jusqu’à une date récente, la plupart <strong>de</strong>s gouvernements d’Afrique<br />

<strong>de</strong> l’Ouest toléraient les marchés fonciers informels, partant du<br />

principe qu’ils finiraient par cé<strong>de</strong>r la place à <strong>de</strong>s marchés mo<strong>de</strong>rnes<br />

et officiels. On supposait en outre que seule la propriété privée pleine<br />

et entière pouvait inciter à l’investissement foncier, et que la sécurité<br />

<strong>de</strong> la tenure ne pouvait être acquise que grâce à <strong>de</strong>s terrains titres<br />

et à l’enregistrement (Durand-Lasserve et al,, 2009). Toutefois, la<br />

réalité du terrain est tout autre et, dans toute l’Afrique <strong>de</strong> l’Ouest,<br />

l’enregistrement et les titres n’ont eu que <strong>de</strong>s résultats très limités.<br />

Quand les Établissements Irréguliers Suppléent<br />

Aux Carences du Marché Foncier<br />

Dans la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s villes d’Afrique centrale et <strong>de</strong> l’Ouest,<br />

les pauvres et <strong>de</strong>s proportions notables <strong>de</strong>s catégories à revenus faibles<br />

ou moyens sont incapables d’accé<strong>de</strong>r aux marchés fonciers officiels,<br />

qu’ils soient publics ou privés. A l’exception du Burkina Faso, la<br />

fourniture publique <strong>de</strong> foncier et d’habitat urbains est partout<br />

en baisse régulière en raison du manque <strong>de</strong> moyens et <strong>de</strong> volonté<br />

politique, <strong>de</strong> la corruption généralisée et d’obstacles administratifs<br />

et techniques. Le secteur privé officiel ne pourvoit pas aux besoins<br />

<strong>de</strong>s ménages à faibles revenus, à moins qu’il soit fortement<br />

subventionné. Cette situation rend les marchés fonciers informels<br />

plus attrayants puisque plus souples, avec <strong>de</strong>s délais plus courts et<br />

<strong>de</strong>s coûts <strong>de</strong> transaction peu élevés, et où la tenure est considérée<br />

comme assez sûre pour encourager un certain investissement dans le<br />

terrain et l’habitat. Toutefois, l’efficacité <strong>de</strong> ces marchés s’agissant <strong>de</strong>s<br />

catégories les plus pauvres <strong>de</strong> la population urbaine doit être mise en<br />

question, <strong>de</strong> même que leur caractère durable et leur facilité d’accès,<br />

surtout en l’absence <strong>de</strong> politiques publiques pour les soutenir. On<br />

peut s’interroger sur la viabilité <strong>de</strong> la fourniture <strong>de</strong> terrains (néo-)<br />

coutumiers pour <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s raisons:<br />

• L’offre <strong>de</strong> terrains (néo)coutumiers à distance raisonnable <strong>de</strong>s<br />

villes est en train <strong>de</strong> se tarir et les réserves se trouvent <strong>de</strong> plus<br />

en plus loin <strong>de</strong>s limites urbaines, <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong>s<br />

services <strong>de</strong> transport en commun, ce qui limite sérieusement la<br />

capacité du secteur à satisfaire vraiment la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> foncier et<br />

d’habitat urbains; et<br />

• La nature informelle d’un titre ne signale pas nécessairement que<br />

la tenure n’est pas sûre. Même en l’absence <strong>de</strong> reconnaissance<br />

en bonne et due forme par l’institution publique, la caution<br />

accordée par la population et le voisinage procure en général<br />

la sécurité <strong>de</strong> la tenure. Ce dispositif risque toutefois <strong>de</strong> perdre<br />

<strong>de</strong> son efficacité en cas <strong>de</strong> litige entre propriétaires coutumiers,<br />

particulièrement entre ceux qui attribuent les terrains et les<br />

autres membres du groupe, ou entre propriétaires coutumiers et<br />

pouvoirs publics à propos <strong>de</strong> la légitimité <strong>de</strong>s droits accordés par<br />

la coutume.<br />

L’éTAT <strong>de</strong>s <strong>VILLes</strong> d’AFrIQUe <strong>de</strong> L’OUesT<br />

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