L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat
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4.3<br />
La Géographie <strong>de</strong>s Marchés<br />
Fonciers Urbains<br />
Les Formes <strong>de</strong> Propriété, <strong>de</strong> Tenure et <strong>de</strong><br />
Droits Fonciers<br />
Dans tous les pays d’Afrique <strong>de</strong> l’Est on trouve une double structure<br />
<strong>de</strong> la tenure, où les régimes fonciers coutumiers (traditionnels)<br />
fonctionnent côte à côte avec les régimes <strong>de</strong> droit formel (législatif).<br />
Il s’agit là d’un vestige <strong>de</strong> l’ère coloniale. Les Britanniques (au<br />
Kenya, en Ouganda et en Tanzanie), les Italiens et les Français (en<br />
Somalie, en Erythrée et à Djibouti) et les Français et les Belges (au<br />
Rwanda et au Burundi) ont introduit <strong>de</strong>s systèmes règlementaires<br />
d’enregistrement <strong>de</strong>s titres fonciers dans leurs centres coloniaux<br />
urbains et dans les zones <strong>de</strong> production agricole commerciale, tout<br />
en laissant les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> tenure coutumière régir les zones urbaines<br />
et rurales indigènes. Aujourd’hui, la réalité du terrain porte toujours<br />
la marque <strong>de</strong> ce double régime. Comme il se trouve fréquemment<br />
<strong>de</strong>s chevauchements ou <strong>de</strong>s formules hybri<strong>de</strong>s, cette dualité tend à<br />
susciter <strong>de</strong>s contradictions et <strong>de</strong> la confusion, notamment là où les<br />
<strong>de</strong>ux régimes se trouvent en présence l’un <strong>de</strong> l’autre. Le règlement<br />
<strong>de</strong>s litiges fonciers en Afrique <strong>de</strong> l’Est peut donc à l’occasion s’avérer<br />
fort complexe, ce qui a <strong>de</strong>s répercussions sur la sécurité <strong>de</strong> la tenure.<br />
Le système du mailo en Ouganda (voir Encadré 4.5) est un bon<br />
exemple du caractère profondément ambigu qui peut être celui <strong>de</strong> la<br />
tenure. Qu’il agisse dans le cadre législatif ou coutumier, l’acquéreur<br />
d’un mailo doit payer <strong>de</strong>ux fois, puisque le détenteur du titre et<br />
l’occupant du terrain doivent l’un comme l’autre être dédommagés.<br />
Toute solution <strong>de</strong> continuité entre les <strong>de</strong>ux parties rendrait la<br />
transaction impossible. De même au Kenya, seul l’enregistrement<br />
du titre (propriété, bail emphytéotique, servitu<strong>de</strong>s) est en mesure<br />
<strong>de</strong> conférer sur le foncier <strong>de</strong>s droits que l’on peut faire valoir <strong>de</strong>vant<br />
les tribunaux. En outre, tout contrat <strong>de</strong> vente d’un bien-fonds doit<br />
être conclu dans un délai <strong>de</strong> six mois, après quoi les documents ne<br />
sont plus vali<strong>de</strong>s. Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que<br />
les transactions non-officielles apparaissent souvent comme une<br />
formule beaucoup plus pratique, même s’il s’y attache un certain<br />
risque pour l’acquéreur ou si celui-ci peut tomber aux mains <strong>de</strong><br />
ven<strong>de</strong>urs malhonnêtes.<br />
En Afrique <strong>de</strong> l’Est après l’indépendance, on s’attendait à<br />
voir le système législatif <strong>de</strong> tenure foncière l’emporter un jour<br />
définitivement, après son extension progressive à tout le pays au fur<br />
et à mesure <strong>de</strong>s adjudications et <strong>de</strong>s échanges, dans les zones rurales<br />
comme urbaines. Les réalités d’aujourd’hui sont bien différentes.<br />
On voit en effet, dans bien <strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> la sous-région, proliférer les<br />
aménagements urbains irréguliers tandis que les systèmes coutumiers<br />
y ont été réintroduits en l’absence <strong>de</strong> systèmes efficaces <strong>de</strong> gestion et<br />
d’administration foncières.<br />
Les Institutions Foncières Urbaines:<br />
Administration et Gestion<br />
En Afrique <strong>de</strong> l’Est, les fonctions d’administration et <strong>de</strong> gestion<br />
foncières relèvent du pouvoir central ou <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> la région (état ou<br />
province). Même là où <strong>de</strong>s commissions foncières ont été mises en<br />
place, comme en Ouganda et au Rwanda, l’enregistrement foncier<br />
reste <strong>de</strong> la responsabilité du Directeur <strong>de</strong> l’enregistrement. L’Ethiopie<br />
fait figure d’exception, la responsabilité <strong>de</strong> l’administration foncière<br />
étant partagée entre les autorités municipales (pour le foncier urbain)<br />
et les autorités régionales (pour le foncier). Dans les villes d’Ethiopie,<br />
le foncier est distribué sur une base emphytéotique, alors qu’en zone<br />
rurale il fait l’objet <strong>de</strong> “permis” octroyant <strong>de</strong>s droits d’usufruit.<br />
Les marchés fonciers informels fonctionnent tous <strong>de</strong> la même<br />
façon en Afrique <strong>de</strong> l’Est. De simples accords par lettres d’échange<br />
sont visés par l’administration locale (kebele, wazee wa mitaa, soit les<br />
anciens ou les chefs <strong>de</strong> village) avec un nombre suffisant <strong>de</strong> témoins<br />
choisis par les parties. Celles <strong>de</strong>s parties les plus aisées peuvent<br />
recourir aux services d’un homme <strong>de</strong> loi, mais vu les coûts il s’agit<br />
là <strong>de</strong> l’exception plutôt que <strong>de</strong> la règle. Dans bien d’autres cas, les<br />
transactions <strong>de</strong> nature informelle se font sans le moindre document,<br />
s’appuyant sur la reconnaissance sociale tant pour l’authentification<br />
du titre que pour la sécurité <strong>de</strong> la tenure. La section ci-<strong>de</strong>ssous<br />
intitulée “Quand les établissements irréguliers suppléent aux<br />
carences du marché foncier” étudie <strong>de</strong> plus près le fonctionnement<br />
<strong>de</strong> ces marchés informels.<br />
Comment les Marchés Fonciers Urbains<br />
Formels et Informels Fonctionnent-Ils?<br />
En Afrique <strong>de</strong> l’Est, les pouvoirs publics à l’échelon national ou<br />
local interviennent dans les marchés fonciers et l’accès au foncier<br />
à travers la distribution <strong>de</strong> parcelles appartenant à l’Etat, par la<br />
fourniture d’infrastructures et <strong>de</strong> services ainsi qu’à travers la<br />
règlementation (règlement d’urbanisme, expropriation et fiscalité).<br />
On considère souvent que ces instruments <strong>de</strong>s politiques publiques<br />
limitent <strong>de</strong> manière injuste, en milieu urbain, l’accès au foncier <strong>de</strong>s<br />
catégories à bas revenus. Alors que dans les pays d’Afrique <strong>de</strong> l’Est la<br />
constitution et la législation invoquent souvent la justice sociale et les<br />
aspects sociaux du droit <strong>de</strong> propriété, le fonctionnement <strong>de</strong>s marchés<br />
urbains officiels n’a pas été à l’avantage <strong>de</strong>s pauvres qui constituent<br />
pourtant la majeure partie <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. L’écart entre le besoin<br />
<strong>de</strong> terrains urbains et leur disponibilité sur le marché officiel reflète<br />
celui qui existe entre les politiques publiques d’une part, et l’inégalité<br />
d’accès d’autre part qui manifeste le mauvais fonctionnement<br />
L’éTAT <strong>de</strong>s <strong>VILLes</strong> d’AFrIQUe <strong>de</strong> L’esT<br />
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