L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat
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2.3<br />
La Géographie <strong>de</strong>s Marchés<br />
Fonciers Urbains<br />
Les Formes <strong>de</strong> Propriété, <strong>de</strong> Tenure et <strong>de</strong> Droits<br />
En dépit <strong>de</strong> différences <strong>de</strong> nature géographique et économique,<br />
les marchés fonciers urbains d’Afrique du Nord partagent un seul<br />
et même héritage, celui <strong>de</strong>s systèmes juridiques et <strong>de</strong>s institutions<br />
qui gouvernent la tenure, l’utilisation, la maîtrise et la taxation<br />
du foncier, ce qui suscite entre eux <strong>de</strong> fortes similarités. Avant<br />
la colonisation, tous ces pays se trouvaient sous domination<br />
ottomane, dont les systèmes <strong>de</strong> tenure restaient fortement<br />
tributaires <strong>de</strong> la sharia et ont reflété l’évolution du droit islamique<br />
pendant quelque 15 siècles. Les superpositions <strong>de</strong> droits primaires<br />
et dérivés se sont articulées pour créer un système complexe qui<br />
faisait que plusieurs individus pouvaient faire valoir <strong>de</strong>s droits<br />
<strong>de</strong> propriété sur une même parcelle ou un même immeuble. Un<br />
firman ottoman <strong>de</strong> 1897 a aboli la propriété publique <strong>de</strong>s terres<br />
agricoles dans tout l’empire et autorisé les usufruitiers à transformer<br />
leur tenure en propriété pleine et entière. En conséquence <strong>de</strong> quoi<br />
les établissements urbains se sont retrouvés cernés par les terrains<br />
<strong>de</strong> propriétaires privés.<br />
Les colons occi<strong>de</strong>ntaux ont renforcé les droits <strong>de</strong> propriété<br />
individuelle et donné aux étrangers le droit <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir propriétaires<br />
fonciers. Suite à l’indépendance, la réforme foncière est allée<br />
<strong>de</strong> pair avec la nationalisation <strong>de</strong> vastes domaines fonciers et la<br />
récupération <strong>de</strong>s biens appartenant aux étrangers qui avaient quitté<br />
le pays. Cela est venu ajouter aux réserves foncières <strong>de</strong>s pouvoirs<br />
publics <strong>de</strong> vastes superficies souvent bien placées. Pourtant, les terres<br />
détenues par les pouvoirs publics à la périphérie <strong>de</strong>s villes n’ont pas<br />
suffi à absorber le mouvement d’urbanisation accéléré <strong>de</strong>s années<br />
1970 et 1980, alors que doublait la superficie <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s villes du<br />
fait <strong>de</strong> l’exo<strong>de</strong> rural, <strong>de</strong> la croissance démographique naturelle et<br />
d’afflux massifs <strong>de</strong> capitaux privés et <strong>de</strong> transferts d’immigrés dans<br />
les marchés fonciers/immobiliers urbains. L’expansion urbaine<br />
n’étant plus contrainte par la propriété publique <strong>de</strong>s terres (qui,<br />
soit dit en passant, avait empêché la fragmentation et la conversion<br />
<strong>de</strong>s terres agricoles à <strong>de</strong>s usages urbains), les lotissements spontanés<br />
<strong>de</strong> terres agricoles ont proliféré et la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong>s établissements<br />
irréguliers péri-urbains n’a fait qu’augmenter.<br />
Le droit <strong>de</strong>s successions, qui impose le partage <strong>de</strong>s biens<br />
entre les héritiers, a accentué la fragmentation <strong>de</strong> la propriété<br />
foncière, ce qui transforme en casse-tête les métho<strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>rnes<br />
d’enregistrement foncier puisqu’elles se fon<strong>de</strong>nt sur les attributs<br />
physiques <strong>de</strong>s biens, et non sur les attributs personnels <strong>de</strong>s parties<br />
comme le font les systèmes traditionnels.<br />
En Egypte, le plus gros du domaine foncier <strong>de</strong> l’Etat se trouve<br />
dans le désert. La conversion <strong>de</strong> terres agricoles privées à <strong>de</strong>s<br />
usages urbains est interdite, sauf dans les périmètres désignés <strong>de</strong>s<br />
zones <strong>de</strong> peuplement urbaines. En dépit <strong>de</strong>s interventions <strong>de</strong>s<br />
pouvoirs publics pour aménager les terres désertiques <strong>de</strong> l’Etat, le<br />
secteur formel a été incapable <strong>de</strong> satisfaire la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’habitat<br />
bon marché. Du coup, <strong>de</strong> vastes parcs <strong>de</strong> logements irréguliers<br />
ont été aménagés illégalement sur <strong>de</strong>s terres agricoles situées sur<br />
les périphéries urbaines et sur <strong>de</strong>s terrains publics dans le désert<br />
qui bor<strong>de</strong> la vallée du Nil. Dans une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> 2007, la Banque<br />
mondiale estimait qu’en Egypte le parc irrégulier ne comprenait<br />
pas moins <strong>de</strong> 8,5 millions d’unités d’habitat, comme suit:<br />
• 4,7 millions d’unités sur <strong>de</strong>s terres agricoles situées ou non dans<br />
les limites <strong>de</strong>s territoires municipaux;<br />
• 600 000 unités sur <strong>de</strong>s terres publiques dans le désert et dans la<br />
limite <strong>de</strong>s territoires municipaux; et<br />
• 3,2 millions en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s limites administratives <strong>de</strong> villages. 46<br />
Au Caire, 81 pour cent <strong>de</strong>s unités irrégulières se trouvent sur<br />
<strong>de</strong>s terres agricoles privées, avec 10 pour cent sur <strong>de</strong>s terrains<br />
publics désertiques et le reste sur <strong>de</strong>s terres agricoles publiques.<br />
En Libye, tous les droits <strong>de</strong> propriété privée ont été abolis en<br />
mars 1978, mais les droits d’usufruit sur les bâtiments rési<strong>de</strong>ntiels<br />
ont été maintenus. Les autorités ont libéralisé les règles <strong>de</strong> propriété<br />
au début <strong>de</strong>s années 1990 en transférant la propriété du logement<br />
à ceux qui les occupaient moyennant (à l’exception <strong>de</strong>s ménages<br />
à faibles revenus) mensualités hypothécaires aux pouvoirs publics<br />
pour <strong>de</strong>s montants équivalant au tiers <strong>de</strong> ce qu’avait été leur loyer.<br />
Aujourd’hui, les marchés fonciers privés et publics fonctionnent en<br />
parallèle, mais les droits <strong>de</strong> propriété ne sont pas assurés et il reste<br />
une bonne dose d’incertitu<strong>de</strong> dans la règlementation. 47 Au Maroc,<br />
l’enregistrement foncier est apparu pour la première fois en 1913, à<br />
l’ère coloniale, afin <strong>de</strong> délimiter l’intégralité <strong>de</strong>s propriétés privées<br />
et <strong>de</strong> leur attacher <strong>de</strong>s titres <strong>de</strong> propriété en bonne et due forme.<br />
Ces <strong>de</strong>rnières années, la pénurie <strong>de</strong> logements a fait augmenter les<br />
prix du foncier urbain. En Tunisie en 2006, la propriété privée<br />
dominait très largement et les terres collectives, telles que définies<br />
par une loi <strong>de</strong> 1901, sont le plus souvent placées sous le régime<br />
tribal. Une loi <strong>de</strong> 1964 a autorisé la conversion <strong>de</strong> terres collectives<br />
en propriété privée. En 2006, une bonne partie <strong>de</strong>s terrains nonurbains<br />
appartenait à l’Etat, mais la propriété privée gagnait<br />
chaque année 70,000 ha en moyenne. 48 Au Soudan, le droit foncier<br />
et la tenure entremêlent le droit coutumier, la sharia et le droit<br />
jurispru<strong>de</strong>ntiel (common law) anglais, avec une foule <strong>de</strong> coutumes<br />
tribales dans la région méridionale dont chacune comporte ses<br />
propres règles, règlementations et pratiques. On accor<strong>de</strong> dans le<br />
Sud une plus gran<strong>de</strong> importance au droit coutumier, alors que la<br />
sharia et la common law dominent dans le Nord. Dans bien <strong>de</strong>s cas,<br />
c’est un mélange <strong>de</strong> tradition et <strong>de</strong> coutume qui s’impose, même<br />
lorsqu’il s’écarte <strong>de</strong> la législation officielle. 49<br />
Outre le secteur privé, les dotations d’œuvres religieuses <strong>de</strong><br />
bienfaisance, les awqaf (pluriel <strong>de</strong> waqf, connu aussi sous le nom<br />
L’éTAT <strong>de</strong>s <strong>VILLes</strong> d’AFrIQUe dU NOrd<br />
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