L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat
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200<br />
épuisé, le raccor<strong>de</strong>ment gratuit est automatiquement interrompu<br />
et le prépaiement commence. Cela laisse souvent les ménages plus<br />
pauvres privés d’eau salubre, ce qui porte sérieusement atteinte à leur<br />
dignité, à leur santé et à leur sécurité. Il n’est pas surprenant que<br />
la frustration qui en résulte ait suscité <strong>de</strong>s manifestations parmi les<br />
populations - 6 000 par an en 2004 et 2005, et jusqu’à 10 000 en<br />
2005 et 2007 18 (voir Encadré 6.1).<br />
Pour <strong>de</strong>s auteurs comme Bond et Dugard, le prépaiement <strong>de</strong> l’eau<br />
dans une logique <strong>de</strong> recouvrement <strong>de</strong>s coûts méconnaît les besoins<br />
élémentaires, viole <strong>de</strong>s droits garantis par la constitution et coûte <strong>de</strong>s<br />
vies. Pendant que l’on installe <strong>de</strong>s compteurs à arrêt automatique dans<br />
les quartiers pauvres, ce sont <strong>de</strong>s compteurs normaux qui dominent<br />
ailleurs. Les ménages aisés peuvent acheter et utiliser l’eau à crédit<br />
en accumulant les arriérés, sont avertis avant toute interruption du<br />
service et peuvent donc prendre <strong>de</strong>s mesures palliatives, mais les<br />
pauvres ne le peuvent pas. Les ménages à hauts revenus ont accès<br />
à <strong>de</strong>s quantités d’eau extrêmement inéquitables et illimitées pour<br />
leurs jardins, piscines, baignoires et lavages <strong>de</strong> voiture. L’idéologie<br />
qui prési<strong>de</strong> à la “marchandisation” <strong>de</strong> l’eau contraste fortement avec<br />
celle, qui commence à s’affirmer, <strong>de</strong> la conservation, <strong>de</strong> même qu’elle<br />
s<br />
Khayelitsha, Le Cap, Afrique du Sud. ©don bayley/istockphoto<br />
a toujours été à l’opposé <strong>de</strong>s valeurs associées aux droits humains et<br />
à la justice sociale.<br />
Les exemples précités démontrent clairement à quel point<br />
l’idéologie est en décalage par rapport aux enjeux qui sont<br />
aujourd’hui ceux du développement. Comme dans bien d’autres<br />
pays, les notions <strong>de</strong> service public et <strong>de</strong> responsabilité sociale ont<br />
été évacuées au profit d’une idéologie qui privilégie davantage la<br />
sécurité économique individuelle à travers l’accumulation <strong>de</strong> la<br />
richesse personnelle au détriment du lien social. De ce point <strong>de</strong> vue,<br />
la marchandisation <strong>de</strong>s services publics n’est rien d’autre qu’une<br />
stratégie idéologique qui consiste à spolier les classes moyennes tout<br />
en maintenant les pauvres à leur place. La logique qui sous-tend<br />
les compteurs à prépaiement dans les quartiers pauvres en Afrique<br />
du Sud et en Namibie constitue pour une part une réaction à la<br />
culture historique du non-paiement <strong>de</strong>s services collectifs qui, dans<br />
la lutte contre l’apartheid, <strong>de</strong>vait acculer à la faillite les collectivités<br />
locales. Il faudrait toutefois se rendre compte que les inégalités et le<br />
ressentiment que cela provoque aujourd’hui attisent la xénophobie,<br />
la violence et le racisme, qui minent l’investissement à long terme et<br />
l’harmonie sociale dont l’Afrique australe a tant besoin.