L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat
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ENCAdRé 4.9: l’aFriQue <strong>de</strong> l’est et la Question <strong>de</strong>s eauX du nil<br />
s<br />
Le Nil, en Egypte. ©doctor Jools/shutterstock<br />
L’Egypte s’est vu accor<strong>de</strong>r la maîtrise presque<br />
entière <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong>s eaux du Nil par un<br />
accord <strong>de</strong> 1929 signé par le Royaume-Uni au nom<br />
<strong>de</strong> ses colonies en Afrique <strong>de</strong> l’Est. L’accord a été<br />
reconfirmé par un traité <strong>de</strong> 1959 qui garantissait<br />
l’accès <strong>de</strong> l’Egypte et du Soudan à hauteur <strong>de</strong><br />
55,5 et 14,5 milliards m 3 respectivement, sur un<br />
volume annuel <strong>de</strong> 84 milliards m 3 . Long <strong>de</strong> 6 695<br />
km, le fleuve, avec ses affluents en amont, ses<br />
zones humi<strong>de</strong>s et ses lacs assure aujourd’hui la<br />
subsistance d’au moins 300 millions d’Africains<br />
sur une superficie <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 3,1 millions km 2<br />
dans 10 pays riverains (Burundi, Rd Congo,<br />
Egypte, Erythrée, Ethiopie, Kenya, Ouganda,<br />
Rwanda, Soudan et Tanzanie). dans tous ces<br />
pays, la croissance démographique est rapi<strong>de</strong><br />
et la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’eau va <strong>de</strong> plus en plus mettre<br />
en concurrence les villes, l’industrie, l’agriculture<br />
et la production d’énergie. La plupart <strong>de</strong>s pays<br />
du bassin du Nil n’ont pas encore cherché à tirer<br />
parti du potentiel que constitue le fleuve pour<br />
la <strong>de</strong>sserte en eau <strong>de</strong> leurs villes, la production<br />
hydro-électrique et l’irrigation. Mais le changement<br />
climatique contribuant à la rareté <strong>de</strong> l’eau dans la<br />
région, l’accès aux eaux du Nil et <strong>de</strong> ses affluents<br />
est <strong>de</strong>venu désormais un facteur non-négligeable<br />
<strong>de</strong> tension dans la région.<br />
Le traité <strong>de</strong> 1929 interdit toute activité qui pourrait<br />
menacer le volume d’eau atteignant l’Egypte, et<br />
donne aux autorités <strong>de</strong> ce pays le droit d’inspecter<br />
les prélèvements le long <strong>de</strong> l’intégralité du cours<br />
du Nil et <strong>de</strong> ses affluents, et au besoin d’y opposer<br />
leur veto. Depuis leur accès à l’indépendance, les<br />
pays d’Afrique <strong>de</strong> l’Est n’ont cessé <strong>de</strong> manifester<br />
leur mécontentement à l’égard du traité et ont<br />
fait pression en faveur <strong>de</strong> sa révision. d’un côté,<br />
l’Egypte et le Soudan, largement désertiques,<br />
s’opposent à tout nouveau traité qui réduirait<br />
leurs pouvoirs historiques <strong>de</strong> contrôle et leur part<br />
<strong>de</strong>s eaux. <strong>de</strong> l’autre côté, plusieurs pays riverains<br />
d’Afrique l’Est font valoir qu’ils n’étaient pas<br />
parties aux négociations <strong>de</strong> 1929 et 1959 et les<br />
considèrent comme <strong>de</strong>s vestiges dépassés d’une<br />
ère coloniale terminée <strong>de</strong>puis longtemps.<br />
C’est en Afrique que l’on trouve une bonne part <strong>de</strong>s<br />
900 millions d’habitants <strong>de</strong> la planète qui n’ont pas<br />
accès à <strong>de</strong>s quantités suffisantes d’eau potable, et<br />
c’est particulièrement le cas <strong>de</strong> l’Afrique du Nord et<br />
<strong>de</strong> l’Est en proie au stress hydrique (situation où la<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> est supérieure à l’offre). Les pénuries d’eau<br />
douce ajoutent déjà à la pression d’une croissance<br />
démographique rapi<strong>de</strong> et <strong>de</strong> la concurrence entre les<br />
villes, l’industrie et l’agriculture ; elles vont se trouver<br />
encore exacerbées par la modification du régime <strong>de</strong>s<br />
pluies et la variabilité du climat. <strong>de</strong> plus, à l’approche<br />
du referendum <strong>de</strong> 2011 sur le statut du Sud-Soudan,<br />
il va falloir peut-être prendre en compte un 11 e pays<br />
dans la redistribution <strong>de</strong>s droits sur les eaux du Nil.<br />
Le plus long fleuve du mon<strong>de</strong> représente un énorme<br />
potentiel pour le développement socio-économique,<br />
mais la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s populations vivant<br />
dans le bassin atten<strong>de</strong>nt toujours la mise en place<br />
<strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> production hydro-électrique<br />
et d’irrigation qui permettraient d’améliorer les<br />
métho<strong>de</strong>s d’exploitation agricole. Faute d’un nouvel<br />
accord sur les eaux du Nil, l’extrême pauvreté va<br />
persister dans le bassin.<br />
Pendant plus d’une décennie, les pays du bassin du<br />
Nil ont cherché à mettre au point un nouvel accordcadre<br />
pour l’administration <strong>de</strong>s eaux, et en 1999 ils<br />
se sont mis d’accord sur l’Initiative du bassin du Nil,<br />
qui comportait un dispositif transitoire pour un usage<br />
équitable et négocié <strong>de</strong>s ressources. Les parts <strong>de</strong><br />
l’Egypte et du Soudan vont presque certainement<br />
se trouver réduites si tous les pays riverains doivent<br />
avoir <strong>de</strong>s droits égaux ou proportionnels. Toutefois,<br />
même après 10 ans d’intenses négociations et <strong>de</strong><br />
promesses d’accord en 2010 au plus tard, l’Egypte<br />
et le Soudan sont toujours réticents à renoncer à<br />
leurs droits privilégiés; ce droits se montent à un<br />
total <strong>de</strong> 94 pour cent, ce qui ne laisse que six pour<br />
cent <strong>de</strong>s eaux du Nil aux huit autres pays. D’après<br />
les traités en vigueur, ces huit pays ne peuvent<br />
se lancer dans aucun projet hydro-électrique ou<br />
d’irrigation à gran<strong>de</strong> échelle utilisant les eaux du Nil<br />
sans l’accord <strong>de</strong> l’Egypte.<br />
En juin 2010, l’Ethiopie, le Kenya, l’Ouganda, le<br />
Rwanda et la Tanzanie se sont mis d’accord sur<br />
un nouveau traité prévoyant une répartition plus<br />
équitable <strong>de</strong>s eaux du Nil et la levée du droit <strong>de</strong><br />
veto <strong>de</strong> l’Egypte, et les autres pays minoritaires<br />
− Burundi, RD Congo et Erythrée – envisageaient<br />
<strong>de</strong> se joindre à eux. Mais en Egypte, le<br />
Prési<strong>de</strong>nt Hosni Moubarak – qui dans le passé<br />
a menacé d’entrer en guerre contre tout pays<br />
qui interviennent dans le débit du Nil – a pour<br />
le moment refusé <strong>de</strong> participer à un tel accord,<br />
en faisant valoir que la protection <strong>de</strong>s eaux du<br />
Nil est une question <strong>de</strong> sécurité nationale pour<br />
son pays. L’Egypte a qualifié <strong>de</strong> “provocation”<br />
l’inauguration en mai 2010, en Ethiopie, d’un<br />
barrage hydro-électrique sur un affluent, la Tana<br />
et la tension autour <strong>de</strong> l’accès au Nil est en passe<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>venir l’une <strong>de</strong>s questions diplomatiques et<br />
<strong>de</strong> sécurité les plus importantes <strong>de</strong> la région.<br />
Toutefois, en juillet 2010, l’Egypte a fait <strong>de</strong>s<br />
offres (non divulguées) <strong>de</strong> soutien financier<br />
aux pays d’amont, parmi d’autres démarches<br />
diplomatiques et politiques visant à désamorcer<br />
la controverse qui faisait alors rage.<br />
Il <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus manifeste qu’il n’existe<br />
à long terme aucun moyen <strong>de</strong> réconcilier les<br />
effets combinés <strong>de</strong> la croissance démographique<br />
rapi<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s besoins alimentaires <strong>de</strong> chaque pays<br />
et <strong>de</strong> la sécurité hydrique dans les pays du bassin<br />
du Nil, <strong>de</strong> la concurrence <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s d’accès<br />
aux eaux et du changement climatique. Le 28<br />
juillet 2010, l’Assemblée générale <strong>de</strong>s Nations<br />
Unies, reconnaissant que la rareté croissante <strong>de</strong><br />
l’eau est une question importante, a déclaré que<br />
l’accès à l’eau salubre est un droit fondamental,<br />
indispensable à une vie satisfaisante et à la<br />
réalisation <strong>de</strong> tous les autres droits humains. Un<br />
consensus sur un nouveau traité sur le Nil semblant<br />
hors d’atteinte, il faut, tout en poursuivant les<br />
pourparlers diplomatiques, mettre à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
nouvelles solutions, comme par exemple <strong>de</strong>s<br />
changements dans les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> consommation<br />
<strong>de</strong>s ménages, le recyclage et la conservation<br />
<strong>de</strong> l’eau, la rationalisation <strong>de</strong>s pratiques en<br />
vigueur en matière d’agriculture et d’irrigation, la<br />
réduction <strong>de</strong> la consommation <strong>de</strong>s entreprises et<br />
<strong>de</strong> la pollution <strong>de</strong>s eaux, une tarification adaptée,<br />
et peut-être aussi la possibilité d’importer <strong>de</strong> l’eau<br />
en gros en provenance <strong>de</strong> régions ne souffrant<br />
pas <strong>de</strong> ressources insuffisantes.<br />
Pendant que la population mondiale triplait au<br />
20 e siècle, la consommation a été multipliée par<br />
six. Etant donné la rareté dans la région <strong>de</strong> cette<br />
ressource cruciale, les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> consommation<br />
d’eau douce doivent être rationalisés si l’élément<br />
liqui<strong>de</strong> ne doit par <strong>de</strong>venir une source majeure <strong>de</strong><br />
tension entre les nations.<br />
L’éTAT <strong>de</strong>s <strong>VILLes</strong> d’AFrIQUe <strong>de</strong> L’esT<br />
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