L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat
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<strong>de</strong>s droits coutumiers ne semble pas avoir d’effet sur les marchés<br />
fonciers officiels, pour la simple raison que la concession domaniale<br />
officielle ne correspond qu’à une fraction <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s terres.<br />
Dans une certaine mesure, les différents mécanismes <strong>de</strong> jouissance<br />
foncière décrits ci-<strong>de</strong>ssus semblent être en faveur <strong>de</strong> la gouvernance<br />
foncière en Afrique centrale, jusqu’à l’avènement <strong>de</strong> l’urbanisation<br />
rapi<strong>de</strong>. Dans le contexte <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> incessante <strong>de</strong> terrains urbains,<br />
les pressions exercées sur les marchés fonciers officiels et coutumiers<br />
et les hausses <strong>de</strong> prix qui s’ensuivent, les habitats spontanés et<br />
l’instabilité sociale ont commencé à prendre <strong>de</strong> l’ampleur dans la<br />
plupart <strong>de</strong>s villes d’Afrique centrale. Ce phénomène relativement<br />
récent, entre autres, peut être observé en particulier à Kinshasa en<br />
République Démocratique du Congo et à Luanda, en Angola. Dans<br />
ces <strong>de</strong>ux villes, les bidonvilles et les habitats spontanés connaissent<br />
une véritable expansion dans les zones qui ne sont pas revendiquées<br />
par les communautés coutumières ou par d’autres propriétaires, et<br />
qui sont, pour la plupart, impropres à l’urbanisation. Bien que ces<br />
implantations illégales résultent, au moins en partie, d’un exo<strong>de</strong> rural<br />
rapi<strong>de</strong> déclenché par <strong>de</strong>s conflits, les proportions <strong>de</strong> citadins vivant<br />
dans <strong>de</strong>s quartiers non aménagés sont également en augmentation<br />
en République Centrafricaine et au Cameroun, <strong>de</strong>ux pays qui n’ont<br />
pourtant pas connu <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> conflit prolongé (Bopda, 2005).<br />
Institutions Domaniales/Foncières Urbaines<br />
Dans les pays francophones d’Afrique centrale et d’Afrique<br />
occi<strong>de</strong>ntale, les cadres institutionnels sont très similaires. Dans tous<br />
les pays d’Afrique centrale, l’administration et la gestion domaniales<br />
et foncières relèvent <strong>de</strong> la responsabilité <strong>de</strong> plusieurs entités<br />
administratives sans véritable coordination interinstitutionnelle. Au<br />
Gabon, par exemple, l’administration foncière est partagée entre<br />
la Direction <strong>de</strong>s Domaines, et la Direction du Registre foncier<br />
(directement placée sous l’autorité du Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République)<br />
et le Département du Cadastre et <strong>de</strong> la Topographie (qui relève du<br />
Ministère du Logement et <strong>de</strong> l’Urbanisme). Cette situation crée<br />
<strong>de</strong>s obstacles majeurs à la conception, à l’approbation, à la mise<br />
en œuvre et à l’exécution <strong>de</strong>s réformes relatives à la gouvernance<br />
domaniale. Néanmoins, au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières décennies,<br />
tous les pays d’Afrique centrale ont essayé <strong>de</strong> décentraliser<br />
l’administration et la gestion domaniales. Cependant, à <strong>de</strong>s<br />
obstacles institutionnels, et les traditions fortement centralisatrices<br />
<strong>de</strong> la sous-région, la décentralisation a donné <strong>de</strong>s résultats limités.<br />
La décentralisation qui est un processus directif national importé<br />
<strong>de</strong>s pays développés, a été adoptée par <strong>de</strong> nombreux gouvernements<br />
africains. Dans la pratique, la décentralisation, le plus souvent<br />
correspond un tout petit peu à la déconcentration <strong>de</strong>s fonctions vers<br />
les services périphériques <strong>de</strong>s institutions du gouvernement central,<br />
en raison du fait que les gouvernements hésitent encore à transférer<br />
les décisions et les modalités <strong>de</strong> gestion domaniale aux autorités<br />
locales. Par ailleurs, dans la plupart <strong>de</strong>s pays d’Afrique centrale,<br />
les liens entre les cadres juridiques et l’administration foncière (le<br />
statut <strong>de</strong> la terre) et la gestion domaniale (qui peut mettre le terrain<br />
en valeur et pour quel usage) ne sont pas suffisamment développés<br />
ou clairs pour permettre aux opérateurs locaux <strong>de</strong> bénéficier <strong>de</strong> la<br />
décentralisation <strong>de</strong> la gouvernance domaniale. Ces restrictions<br />
peuvent, par exemple, être observées au Gabon, où la propriété<br />
foncière est attribuée au niveau <strong>de</strong>s divisions administratives que<br />
sont les Départements et les Districts, mais <strong>de</strong>meure néanmoins sous<br />
l’autorité <strong>de</strong>s représentants du gouvernement central (Préfets). De<br />
même au Cameroun, où les services <strong>de</strong> cadastre ont été décentralisés<br />
en 2005 au niveau <strong>de</strong>s Départements, mais la décentralisation <strong>de</strong>s<br />
responsabilités <strong>de</strong> l’administration foncière vers les Communes et<br />
les Communautés urbaines reste limitée car le gouvernement central<br />
joue encore un rôle clé dans la prise <strong>de</strong> décision au niveau local.<br />
Sur le plan institutionnel, les pays d’Afrique centrale réagissent<br />
tous différemment aux pratiques coutumières. Alors que le<br />
Cameroun reconnaît les institutions coutumières, les pouvoirs<br />
publics leur refusent fréquemment le droit d’attribution <strong>de</strong>s<br />
terrains, en particulier dans les zones urbaines et périurbaines.<br />
Les chefferies traditionnelles, <strong>de</strong> nos jours, se présentent comme<br />
l’héritage <strong>de</strong> structures et <strong>de</strong>s normes ancestrales et continuent <strong>de</strong><br />
jouer un rôle fondamental dans la gestion domaniale. Au regard du<br />
fait que les chefferies traditionnelles sont <strong>de</strong>s entités linguistiques,<br />
culturelles et politiques, elles sont reconnues par les autorités<br />
gouvernementales comme un corps auxiliaire <strong>de</strong> l’administration<br />
territoriale. Leur rôle a été officialisé par un décret en 1977<br />
(décret N o 77/245 réorganisant les chefferies traditionnelles) et<br />
en 1982 (décret N° 241/82). Les chefs traditionnels et les notables<br />
auxiliaires sont membres <strong>de</strong> pleins droits <strong>de</strong>s comités consultatifs<br />
et donnent leur avis sur l’enregistrement foncier et l’attribution<br />
<strong>de</strong> concessions, bien que toute décision finale relève du pouvoir<br />
discrétionnaire <strong>de</strong>s responsables gouvernementaux. Les chefs<br />
jouent également un rôle dans le règlement <strong>de</strong>s litiges fonciers.<br />
En République Démocratique du Congo où les procédures<br />
coutumières <strong>de</strong> gestion domaniale ne sont pas officiellement<br />
reconnues, les chefs traditionnels jouent néanmoins un rôle<br />
important, car rares sont les décisions afférentes au patrimoine<br />
foncier coutumier qui sont prises sans concertation et négociation<br />
préalables avec les communautés concernées, en partie parce que ces<br />
communautés locales contribuent au maintien <strong>de</strong> la paix et <strong>de</strong> la<br />
stabilité sociale.<br />
Modalités <strong>de</strong> Fonctionnement <strong>de</strong>s Marchés<br />
Fonciers en Milieu Urbain<br />
En Afrique centrale, c’est par l’une <strong>de</strong>s 4 procédures suivantes que l’on<br />
accè<strong>de</strong>, pour la première fois, aux marchés fonciers en milieu urbain :<br />
1. L’allocation <strong>de</strong>s terres par <strong>de</strong>s organismes publics (autorités municipale,<br />
fédérale ou gouvernementale) est la première filière officielle<br />
d’acquisition foncière en milieu urbain. La procédure comprend<br />
l’enregistrement <strong>de</strong>s régimes fonciers, les titres <strong>de</strong> propriété, contrats<br />
<strong>de</strong> location, etc. La sécurité d’occupation est élevée, avec <strong>de</strong>s droits à la<br />
terre exécutoires en justice, tandis que le titre <strong>de</strong> propriété peut servir<br />
<strong>de</strong> garantie pour les prêts officiels au logement. En Afrique centrale,<br />
toutefois, les marchés fonciers officiels en milieu urbain restent<br />
embryonnaires, sauf dans les centres-villes, et au cours <strong>de</strong>s décennies<br />
passées toutes les initiatives en faveur <strong>de</strong> l’allocation <strong>de</strong>s terrains à la<br />
majorité <strong>de</strong> citadins à travers <strong>de</strong>s procédures officielles ont échoué;<br />
2. L’affectation <strong>de</strong>s terrains relevant du patrimoine <strong>de</strong> l’Etat par<br />
voie <strong>de</strong> transfert illégal par les agents <strong>de</strong> l’administration publique<br />
est généralement appuyée par un titre foncier enregistré en bonne<br />
et due forme, un contrat <strong>de</strong> location ou d’autres documents<br />
officiels; ces droits sont négociables auprès <strong>de</strong> toute banque;<br />
3. L’attribution <strong>de</strong>s terrains urbains appartenant aux communautés<br />
coutumières peut prendre différentes formes, mais sous l’effet <strong>de</strong> la forte<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> terrains urbains, les lotissements concédés dans le cadre <strong>de</strong><br />
la dotation coutumière sont <strong>de</strong>venus l’objet d’une marchandisation.<br />
Les droits privés sur les terres appartenant aux communautés<br />
coutumières peuvent <strong>de</strong> plus en plus être achetés comme dans les<br />
marchés fonciers officiels. Les droits fonciers ne sont pas enregistrés,<br />
bien qu’ils soient souvent inscrits dans les registres <strong>de</strong>s collectivités<br />
locales. La sécurité <strong>de</strong> jouissance est par conséquent fragile, et<br />
4. L’occupation sauvage <strong>de</strong> terrains est rapi<strong>de</strong>ment à la hausse dans<br />
les villes d’Afrique centrale, <strong>de</strong>s suites <strong>de</strong> la hausse <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong>s