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L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat

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cHAPITre PreMIer<br />

8<br />

Les problèmes <strong>de</strong> gestion et <strong>de</strong> planification liés aux modalités <strong>de</strong><br />

gouvernance urbaine qui sont loin d’être pragmatiques ont souvent<br />

été aggravés par l’expansion rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’espace urbain à travers les<br />

frontières administratives municipales. En revanche, il s’est bien<br />

avéré que durant l’époque coloniale et la pério<strong>de</strong> qui s’en est suivie,<br />

les initiatives courageuses visant à rétablir l’intégrité territoriale en<br />

essayant <strong>de</strong> réduire les écarts spatio-administratifs ont parfois été<br />

possibles à travers l’augmentation <strong>de</strong> la taille <strong>de</strong>s périmètres urbains<br />

en vue d’intégrer dans une seule juridiction la totalité <strong>de</strong> la ville et<br />

la ceinture verte qui l’entoure. Harare, la capitale du Zimbabwe, en<br />

est la parfaite illustration. L’augmentation du territoire administratif<br />

urbain - et <strong>de</strong> celui <strong>de</strong>s villes intermédiaires en pleine croissance en<br />

particulier - est une option que les gouvernements africains et les<br />

gestionnaires municipaux <strong>de</strong>vraient envisager. Même si cela s’avère<br />

un défi complexe du point <strong>de</strong> vue juridique et sous autres aspects, les<br />

avantages à long terme sur les plans politique, financier, économique<br />

et spatial l’emporteront, pour l’essentiel sur les difficultés à terme<br />

dans la création d’une autorité territoriale municipale sur une zone<br />

en mesure d’absorber les projections prospective <strong>de</strong> la croissance<br />

urbaine sur au moins l’espace d’une génération entière, ou plus.<br />

Il y a eu <strong>de</strong>s tentatives plus courantes <strong>de</strong> création <strong>de</strong>s communautés<br />

urbaines (conseils métropolitains) aux fins <strong>de</strong> planification intégrée<br />

et stratégique à l’échelle territoriale, regroupant les représentants <strong>de</strong>s<br />

municipalités constituantes, à l’instar d’Accra et Kumasi au Ghana.<br />

Ces interventions peuvent impliquer d’importants changements<br />

politiques et institutionnels qui sont souvent source <strong>de</strong> difficultés,<br />

comme l’indique la section 1.3 du présent rapport. Mais dans les<br />

pays où ces interventions n’ont pas eu lieu, comme dans le case <strong>de</strong><br />

l’agglomération <strong>de</strong> Dakar, au Sénégal, le résultat inévitable sera<br />

qu’aucune autorité centrale ne sera en mesure <strong>de</strong> couvrir la multitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> municipalités distinctes – plus d’une soixantaine dans le cas<br />

d’espèce <strong>de</strong> Dakar – ce qui rend pratiquement impossibles toutes<br />

les tentatives <strong>de</strong> coordination politique <strong>de</strong> ces unités administratives.<br />

La troisième option est celle qui advient le plus couramment:<br />

la fragmentation <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> gouvernance urbaine fondée sur<br />

l’inertie, l’inadaptation, les inégalités, l’absence <strong>de</strong> responsabilité à<br />

l’égard <strong>de</strong>s instances compétentes et la corruption. Bien que cette<br />

option ait pris forme dans <strong>de</strong> nombreuses villes africaines, avec une<br />

très vaste gamme <strong>de</strong> modalités différentes d’application au niveau<br />

local, l’on constate en fin <strong>de</strong> compte <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> gouvernance<br />

urbaine foncièrement incohérents sur le plan fonctionnel et au niveau<br />

territorial qui, par ailleurs, ne peuvent pas satisfaire les besoins <strong>de</strong> la<br />

majorité <strong>de</strong>s citadins. Cette approche repose sur une réification <strong>de</strong><br />

la ville qui consiste à réserver les services et les différents avantages<br />

que procure la ville à la frange <strong>de</strong>s citadins nantis ou jouissant <strong>de</strong><br />

l’influence d’y accé<strong>de</strong>r. Ceci implique la répartition délibérée <strong>de</strong><br />

l’espace urbain en juridictions locales politiquement contrôlées où<br />

les filières d’accès aux finances publiques pour la jouissance <strong>de</strong>s biens<br />

publics sont différentes et très inéquitables. Certains préten<strong>de</strong>nt<br />

que c’est justifié et approprié, à partir du moment où la répartition<br />

<strong>de</strong>s services est proportionnelle au paiement <strong>de</strong>s impôts. D’autres,<br />

par contre, soutiennent que la répartition <strong>de</strong>s services en fonction<br />

<strong>de</strong>s besoins 1 est un facteur <strong>de</strong> réduction <strong>de</strong>s inégalités. Toutefois, le<br />

cloisonnement <strong>de</strong> la ville et la ségrégation spatiale jouent un rôle<br />

déterminant dans le renforcement <strong>de</strong> la distance et <strong>de</strong>s inégalités<br />

sociales et contribueront, au fil du temps, à l’augmentation <strong>de</strong> la<br />

frustration, <strong>de</strong> la désaffection et <strong>de</strong> la résistance.<br />

Dans tous ces modèles <strong>de</strong> gouvernance urbaine, la croissance <strong>de</strong><br />

la ville qui s’en est suivie a souvent donné lieu au débor<strong>de</strong>ment<br />

<strong>de</strong> l’espace. Les nouvelles zones périphériques urbaines jouxtent<br />

systématiquement avec les autorités locales adjacentes, souvent<br />

considérées comme <strong>de</strong>s zones rurales ou <strong>de</strong>s terres coutumières. Les<br />

capacités institutionnelles, les contraintes en matière <strong>de</strong> ressources<br />

humaines et financières, les niveaux <strong>de</strong> service et même les allégeances<br />

et les orientations politiques diffèrent souvent, à telle enseigne que<br />

la capacité <strong>de</strong>s populations à trouver <strong>de</strong>s solutions appropriées peut<br />

dépendre fortement <strong>de</strong> la localité où elles vivent. Par exemple, le<br />

ramassage <strong>de</strong>s ordures/déchets – qui bien souvent s’effectue <strong>de</strong><br />

manière insuffisante et irrégulière - s’arrête généralement à la limite<br />

du périmètre urbain, en raison du fait que la plupart <strong>de</strong>s communes<br />

rurales, n’offrent pas ce service, même pour les villages <strong>de</strong> plus en<br />

plus urbanisés ni pour les banlieues 2 en bordure <strong>de</strong>s centres urbains.<br />

Un changement d’attitu<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> pratiques s’impose. Pour<br />

faire face aux enjeux d’un développement économique, sociale<br />

et environnemental “durable” en milieu urbain, il faut prendre<br />

au sérieux l’ensemble <strong>de</strong> la population et lui donner toutes les<br />

possibilités voulues <strong>de</strong> jouer équitablement un rôle effectif au sein<br />

<strong>de</strong> la communauté. L’expérience tend, <strong>de</strong> tout temps, à démontrer<br />

que l’application autoritaire <strong>de</strong> la gouvernance dans le cadre d’une<br />

planification inadaptée ou d’une règlementation inéquitable<br />

n’aboutit jamais à <strong>de</strong>s résultats satisfaisants. La réglementation<br />

restrictive en matière <strong>de</strong> zonage, qui interdit aux populations <strong>de</strong><br />

vivre et <strong>de</strong> travailler à proximité <strong>de</strong>s centres urbains et les normes<br />

<strong>de</strong> construction qui ne permettent pas à la plupart <strong>de</strong>s citadins<br />

<strong>de</strong> se conformer à leurs dispositions respectives, ne sont que <strong>de</strong>ux<br />

exemples d’effets indésirables qui déboucheront inexorablement<br />

sur la désaffection, la résistance et l’aliénation. En fin <strong>de</strong> compte,<br />

cela peut conduire à <strong>de</strong>s situations qui compromettent la stabilité<br />

même <strong>de</strong> nos systèmes urbains. L’instauration d’un modèle <strong>de</strong><br />

développement urbain centré sur les personnes et s’inscrivant dans<br />

une perspective durable exige <strong>de</strong>s changements majeurs permettant<br />

<strong>de</strong> résoudre <strong>de</strong> manière plus appropriée les problèmes complexes<br />

auxquels l’on est confronté sur le terrain.<br />

Tout aussi importante est la reconnaissance que les gens représentent<br />

<strong>de</strong>s ressources, et ne constituent pas seulement <strong>de</strong>s problèmes.<br />

L’exploitation <strong>de</strong>s énergies humaines, à l’inverse <strong>de</strong> leur suppression<br />

et <strong>de</strong> leur aliénation est essentielle au maintien du dynamisme et<br />

<strong>de</strong> la stabilité <strong>de</strong>s villes. Elle (l’exploitation <strong>de</strong>s énergies humaines)<br />

constitue également une condition préalable <strong>de</strong> satisfaction<br />

intégrale et équitable <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong> développement humain dans la<br />

perspective <strong>de</strong>s processus nationaux <strong>de</strong> développement. Il convient,<br />

toutefois, <strong>de</strong> reconnaître que la promotion, chez les citadins<br />

pauvres et aliénés, <strong>de</strong> nouvelles cultures <strong>de</strong> citoyenneté urbaine et<br />

du sentiment d’appartenance à la communauté urbaine ne sera pas<br />

une tâche facile. La première étape <strong>de</strong>vrait être la reconnaissance<br />

du fait que <strong>de</strong> nombreuses villes africaines ne sont plus <strong>de</strong>s zones<br />

géographiques <strong>de</strong> richesse contenant <strong>de</strong>s îlots <strong>de</strong> pauvreté. Le modèle<br />

actuel <strong>de</strong> géographie urbaine est <strong>de</strong> plus en plus courant: il s’agit<br />

<strong>de</strong> géographies humaines très décousues, dysfonctionnelles et non<br />

viables où prédominent les inégalités et la souffrance humaine, et où<br />

les zones urbaines se composent <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> petites enclaves<br />

<strong>de</strong> bien-être, spatialement et socialement distinctes <strong>de</strong>s quartiers à<br />

croissance rapi<strong>de</strong> et <strong>de</strong> plus en plus pauvres où rési<strong>de</strong>nt la majorité<br />

<strong>de</strong>s citadins. La pérennisation et l’augmentation <strong>de</strong>s niveaux actuels<br />

<strong>de</strong> l’inégalité urbaine constituent un puissant facteur <strong>de</strong> promotion<br />

<strong>de</strong> l’instabilité systémique en milieu urbain. Au regard du fait que<br />

les zones urbaines abriteront inévitablement dans l’avenir la majorité<br />

<strong>de</strong>s africains, la promotion <strong>de</strong> l’échec social, économique et politique<br />

<strong>de</strong> cet établissement humain <strong>de</strong> plus en plus important n’est tout<br />

simplement pas une option viable.

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