L'éTAT de VILLes AFrIcAINes - UN-Habitat
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cHAPITre <strong>de</strong>Ux<br />
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<strong>de</strong> Tunis, Fès, Meknès et Marrakech et la kasbah d’Alger.<br />
En outre, à l’exception <strong>de</strong> la Tunisie, une bonne partie (souvent<br />
jusqu’à 40 pour cent) <strong>de</strong>s terrains ou immeubles <strong>de</strong>s centres<br />
historiques appartient aux awqaf (œuvres <strong>de</strong> bienfaisance). Bon<br />
nombre <strong>de</strong>s bâtiments se sont délabrés faute d’entretien par <strong>de</strong>s<br />
propriétaires lointains, les logements à loyer règlementé attirant<br />
les vagues successives <strong>de</strong> l’exo<strong>de</strong> rural. Les autorités ont mis en<br />
œuvre divers programmes <strong>de</strong> restauration et <strong>de</strong> préservation <strong>de</strong>s<br />
centres historiques, leur valeur culturelle, architecturale et urbaine<br />
étant susceptible d’attirer le tourisme national comme étranger.<br />
Ces démarches se trouvent compliquées par la fragmentation <strong>de</strong><br />
la propriété foncière et la réticence <strong>de</strong>s awqaf à s’impliquer dans<br />
<strong>de</strong>s projets d’amélioration qui ne sont pas sources <strong>de</strong> revenu. Des<br />
améliorations notables n’en ont pas moins déjà été apportées aux<br />
espaces publics, rues, faça<strong>de</strong>s, marchés et bâtiments historiques<br />
dans la majorité <strong>de</strong>s centres historiques classés.<br />
La couche historique supérieure qui détermine aussi la<br />
forme <strong>de</strong>s villes d’Afrique du Nord est celle <strong>de</strong> la ville planifiée<br />
telle qu’elle s’est développée pendant l’ère coloniale. Il s’agit du<br />
modèle méditerranéen <strong>de</strong>s immeubles à plusieurs étages, avec<br />
<strong>de</strong>s quartiers distincts qui reflètent le mélange socio-économique<br />
<strong>de</strong>s populations. Dans ces villes planifiées, une large part du parc<br />
rési<strong>de</strong>ntiel a été convertie en bureaux, l’économie commençant à<br />
s’orienter vers les services. Suite à l’indépendance, <strong>de</strong>s extensions<br />
urbaines aménagées ont été construites, qui ont combiné <strong>de</strong>s<br />
interventions publiques et l’investissement privé. De 1975 à 1985,<br />
les valeurs foncières dans ces quartiers ont doublé tous les trois<br />
ou quatre ans, par comparaison avec <strong>de</strong>s multiples <strong>de</strong> 15 à 20 à la<br />
périphérie. 57<br />
La troisième couche est celle <strong>de</strong> l’urbanisation péri-urbaine<br />
irrégulière qui a commencé dans les années 1970 et qui a été le<br />
réceptacle <strong>de</strong> la majeure partie <strong>de</strong> l’expansion démographique<br />
soutenue dans les villes d’Afrique du Nord, avec <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong> 2 à<br />
4 pour cent en moyenne annuelle <strong>de</strong>puis les années 1980. Cette<br />
tendance a été facilitée par la réapparition, à l’ère postcoloniale,<br />
<strong>de</strong>s systèmes traditionnels <strong>de</strong> tenure, à savoir:<br />
• Le droit pour les colons <strong>de</strong> se prévaloir <strong>de</strong>s terres vacantes qu’ils<br />
ont améliorées;<br />
• L’acquisition <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> propriété par prescription, après<br />
généralement 10 à 15 selon le pays; et<br />
• La protection <strong>de</strong>s logements habités contre toute démolition quel<br />
qu’en soit le statut juridique, sauf zone ou bâtiments à risque ou<br />
si le site est requis pour un usage public. L’organisme qui prend<br />
possession du bien est tenu d’en reloger les occupants. 58<br />
Ces droits traditionnels ont protégé ceux qui occupaient illégalement<br />
<strong>de</strong>s terrains vacants appartenant à l’Etat, tout en facilitant<br />
la régularisation <strong>de</strong>s établissements irréguliers. Lorsque l’urbanisation<br />
<strong>de</strong> terres agricoles est interdite, le transfert du bien foncier et/<br />
ou <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> propriété se fait par acte notarié mais sans l’enregistrement<br />
ou la délivrance du titre pourtant exigés par la règlementation.<br />
Dans la pratique, cela a donné lieu à <strong>de</strong>ux systèmes parallèles<br />
qui fonctionnent simultanément dans une seule et même<br />
ville. Les titres non-enregistrés restent monnaie courante et sont<br />
reconnus par les tribunaux, mais ne peuvent servir à remettre en<br />
cause les droits <strong>de</strong> porteurs pourvus <strong>de</strong> titres dûment enregistrés.<br />
Les valeurs foncières élevées ont beau inciter à l’enregistrement <strong>de</strong>s<br />
titres, le coût relativement élevé lui aussi <strong>de</strong> l’enregistrement a souvent<br />
l’effet inverse.<br />
Depuis les années 1990, les organismes spécialisés, qu’ils soient<br />
publics ou para-publics ont suscité l’apparition d’une quatrième<br />
couche urbaine, celles <strong>de</strong>s extensions urbaines aménagées, <strong>de</strong>s villes<br />
nouvelles et <strong>de</strong>s corridors <strong>de</strong> développement. Confrontés à une<br />
démographie urbaine galopante et à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> logement qui<br />
s’ensuit, ces organismes ont commencé à réorienter l’expansion<br />
au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la frange urbaine. Ces districts, villes et corridors<br />
d’apparition récente reconfigurent les grands centres urbains pour<br />
en faire <strong>de</strong>s “villes régions” bien structurées. Ils ont aussi pour effet<br />
<strong>de</strong> modifier la distribution <strong>de</strong>s valeurs foncières, qui augmentent<br />
autour et à l’intérieur <strong>de</strong>s nouveaux aménagements. Ainsi en<br />
Egypte entre 1995 et 2007, 110 km² <strong>de</strong> terrains désertiques ont<br />
été urbanisés, alors que dans le même temps l’expansion sur les<br />
terres agricoles était restreinte à 55 km².<br />
Aujourd’hui dans toute l’Afrique du Nord et par le biais <strong>de</strong>s<br />
organismes para-publics comme <strong>de</strong>s collectivités locales, les<br />
pouvoirs publics jouent un rôle majeur dans le marché foncier<br />
urbain formel, mettant à disposition <strong>de</strong> nouveaux terrains à<br />
aménager par le raccor<strong>de</strong>ment aux réseaux d’infrastructures,<br />
transports en commun compris, afin d’attirer l’investissement<br />
privé et <strong>de</strong> le canaliser vers les zones d’aménagement voulues. Les<br />
pouvoirs publics réaménagent aussi l’habitat vétuste et insalubre<br />
en centre-ville, afin <strong>de</strong> profiter du potentiel commercial et d’en<br />
extraire la valeur foncière.<br />
Administration et Gestion Foncières: Les<br />
systèmes conventionnels et leurs insuffisances<br />
De 2010 à 2020, la population urbaine <strong>de</strong> la sous-région <strong>de</strong>vrait<br />
augmenter <strong>de</strong> 27 millions, et les pouvoirs publics vont donc se<br />
retrouver confrontés à <strong>de</strong> sérieux besoins, qu’il s’agisse <strong>de</strong> terrains<br />
viabilisés ou <strong>de</strong> la bonne application <strong>de</strong>s règles d’aménagement. La<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’habitat bon marché, locative ou en pleine propriété, va<br />
exiger une amélioration très sensible <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s<br />
sols et la mise au point d’interventions foncières qui vont <strong>de</strong>voir<br />
articuler mes rôles complémentaires <strong>de</strong>s collectivités locales et du<br />
secteur privé.<br />
Dans toute l’Afrique du Nord <strong>de</strong>puis les années 1980, divers<br />
dispositifs <strong>de</strong> décentralisation ont transféré la responsabilité <strong>de</strong><br />
l’aménagement et <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s sols aux collectivités locales.<br />
Toutefois, la décentralisation politique et fiscale n’a pas suivi ce<br />
transfert <strong>de</strong> compétences fonctionnelles. Les gouverneurs et les<br />
maires <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s villes ont, certes, vu s’accroître leurs pouvoirs,<br />
mais les décisions concernant les grand projets se prennent<br />
toujours à l’échelon du ministère ou du chef du gouvernement,<br />
et le financement <strong>de</strong>s projets d’amélioration dépend toujours lui<br />
aussi du gouvernement central. En outre, les autorités provinciales<br />
et municipales conservent leurs propres hauts fonctionnaires et<br />
assemblées élues.<br />
Dans ces pays, les directions administrative nationales se<br />
spécialisent dans l’arpentage et l’établissement du cadastre ou du<br />
livre foncier, alors que les directions locales d’urbanisme s’occupent<br />
<strong>de</strong>s règles d’utilisation <strong>de</strong>s sols, y compris le tracé et l’ajustement<br />
<strong>de</strong>s alignements, la hauteur maximum <strong>de</strong>s constructions et les<br />
coefficients d’emprise au sol ainsi que les empiètements sur les<br />
droits <strong>de</strong> passage. Dans les plus gran<strong>de</strong>s villes, les décisions <strong>de</strong><br />
routine, au jour le jour, en matière foncière sont prises par divers<br />
départements municipaux bien distincts, comme par exemple:<br />
• La délivrance <strong>de</strong>s permis <strong>de</strong> construire, les certificats<br />
d’occupation, les arrêtés d’évacuation <strong>de</strong> bâtiments